Film froid, austère et aride, « Silence » a de quoi dérouter par son côté volontairement rugueux, simpliste dans l'intrigue – à la limite d'un documentaire, où les voix off tiennent office de narrateur – et minimaliste dans ses effets. J'avoue être dubitatif quant-à ce choix stylistique de Scorsese. Aux antipodes de son côté excentrique, démonstratif, voire hystérique quand il le veut, le réalisateur s'enferme dans un mutisme et une dévotion déconcertante. Certes, le projet a longuement mûri en lui au cours des années, et la sincérité ainsi que la pureté avec laquelle il livre ce film est remarquable, mais fallait-il vraiment donner un tel ton à « Silence » ? Le sujet épineux de la religion, qui plus est de la colonisation religieuse, méritait-t-elle absolument ce caractère froid et presque insipide ? N'aurait-il pas mieux fallu quelque chose de plus rond, de plus tendre, simplement de plus « romancé » ? Ici, l'intrigue est minimaliste, mesurée, trop mesurée, et par contre fortement didactique. Aussi, 2h40 de documentaire, psychologiquement dur, scénarisitiquement quasi-nul, est une épreuve pour le spectateur. Ceci dit, « Silence » est malgré tout captivant par certains aspects et interroge superbement le spectateur sur cette histoire terrible. L'évangélisation des peuples japonais fut une déroute et la réponse en retour fut sans appel. Grande question que la religion, de son importance, de ses dérives, des croyances de chacun et du Silence de Dieu. On ne nie pas que l'histoire de ce prêtre Rodrigues – joué un excellent Andrew Garfield qui épaissit son style au fur et à mesure de ses films – prend au cœur. Ce doute permanent sur sa foi, cette volonté inébranlable de faire le bien invite le spectateur a, en effet, s'interroger sur un certain nombre de points, même si Scorsese ne nous laisse pas véritablement le choix que celui d'accepter son point de vue. En juge impartial, le réalisateur entend rendre un hommage clair et sans détour à travers la mission de ces deux « padre » venus rechercher l'un de leurs disparu depuis des années. Sans aucune bande-son, dans un cadre extérieur lui aussi rude et impénétrable – bien que magnifiquement filmé il faut bien le dire – l'intrigue qui se joue est longue, parfois trop, et ne manque pas de nous perdre. En réalité, il me semble que Scorsese tenait trop à ce projet, comme une part de lui, très intime, très profonde, qu'il a livré avec une pudeur et une simplicité accrue qui rend le film âpre et austère, ce dont il n'avait pas besoin vu le sujet abordé. En somme « Silence » est un film difficile, tant par son sujet que par sa forme peu évidente, et il faut s'accrocher jusqu'au bout pour parvenir au terme de l'histoire et connaître la vie singulière de ce jeune padre portugais livré aux mains des japonais. « Silence » est donc déconcertant, surprenant, par bien des côtés intéressant et esthétiquement réussi, profondément réflexif, mais bien trop « bigot » dans son aspect, sans échappatoire, sans possibilité de se sortir de cet état de fait arbitraire que nous impose Scorsese et qui peut déranger à certains moments. Aussi, sur le même sujet, je préférerais toujours le magnifique film « Mission » qui est une perle rare et qui, lui, livre cette question de l'évangélisation dans une vraie histoire de cinéma.