N'ayant pas vu La dernière tentation du Christ, je n'ai pas forcément d'avis ou d'attentes particulières sur le cinéma plus mystique et religieux de Scorsese et j'aborde ce film sans trop savoir ce que je vais voir. Et le principal reproche que j'avais pu lire sur le film à savoir sa durée, se trouve être également pour moi son point faible. C'est un peu chiant, pas trop, ça va, ça passe, mais si j'ai suivi le film sans désintérêt, il y a quand même des moments moins forts, moins intéressants qui font qu'on sent une baisse de rythme, puis ça arrive malgré tout à repartir avec une scène très forte, avant de redescendre à nouveau.
Disons que je l'ai trouvé un peu inégal. Pas inintéressant, loin de là, mais inégal malgré tout.
Le sujet traité par contre est assez fascinant, je n'ai pas lu le bouquin, ni vu la première adaptation et je ne savais rien sur le christianisme au Japon, donc c'était tout un nouvel "univers" à découvrir pour moi. Il y a sans doute un parallèle à faire avec les premiers chrétiens à Rome et les persécutions qu'ils ont dû subir.
J'aime beaucoup les questionnements abordés par le film, je les trouve vraiment très intéressantes, même si finalement j'ai trouvé que le film n'était pas assez "puissant" pour les porter totalement. Disons que j'aurai plus rêvé de voir un film en noir et blanc, bien austère comme il faut, quitte à ce que ça dure 5 heures. J'aurai aimé sentir ce côté chemin de croix, parce que les moments où j'ai un peu déconnecté du film c'était plus parce qu'il n'arrivait pas à me captiver sur ce passage là que parce que j'étais en souffrance devant le film.
Dans les questions posées qui m'ont beaucoup plu, il y a logiquement tout le côté mythe de Sisyphe, inversé ici par rapport à l'exemple que donnait Camus avec Galilée où cette fois le religieux et non plus le scientifique est face à un dilemme, sa vie ou sa croyance. Le rapprochement est d'autant plus à faire lorsqu'il est question d’universalisme et de vérité, le chrétien croit (ou sait) que son dieu est universel, omniprésent (y compris au Japon donc), tout comme Galilée sait que ses trouvailles sont vraies malgré ce qu'en dit l’Église. On se retrouve donc avec deux détenteurs de vérités qui doivent soit les renier, soit devenir des apostats. Il est évident que je réagirais comme Galilée, non pas par lâcheté, mais par goût de la vie. Aucune vérité ne vaut de mourir pour elle. Sauf que pour les prêtres ce n'est pas juste une vérité qui n'est pas grave si on la renie. Le Soleil n'en veut à personne si on dit qu'il tourne autour de la Terre et c'est ça qui est fascinant, quel est le point de non retour, à quel moment on se dit qu'il y a eu assez de morts, qu'on a assez souffert et fait souffrir les autres pour une vérité "immortelle" ? Forcément l'homme est faillible et à un moment donné il va forcément devenir un apostat, se soumettre.
La question morale se pose donc, est-ce-que "Dieu" préfère qu'on souffre pour lui, qu'on fasse souffrir des autres pour lui ou qu'on essaye de tendre vers le moindre mal, quitte faire croire qu'on devient un apostat tout en conservant sa croyance pour soi ? Mais il faut également prendre en compte pour eux que la vie sur Terre n'est pas la finalité, donc ce n'est pas forcément "grave" d'être un martyr.
Bref c'est assez ambigüe et la réponse à ces questions n'est pas si aisée. Après j'ai trouvé que le film les esquisse seulement et aurait pu discuter plus de la question (lors des fameux champ/contre champ) mais surtout le faire sentir par la mise en scène. Disons que je n'aime pas du tout Garfield dans ce rôle là (je ne l'aime pas au départ non plus), il ne m'évoque rien, son visage ne me transmet rien. Dans Hadewijch de Dumont je sens la foi de l'héroïne, je la sens par la mise en scène, mais également par son interprétation, ses petits regards hors champ, etc.
J'ai l'impression que ce qui n'est pas dit par le film et auquel j'ai réfléchis pendant le film est plus intéressant que le film lui-même. Après c'est lui qui m'y a fait penser... donc je sais pas trop...
Un autre questionnement que j'ai trouvé intéressant c'est celui de comment détruire une foi en l'empêchant de proliférer, par des répressions, mais surtout en coupant la tête de cette propagation. Et se pose alors une question, également abordée dans le film, celle de l'incompréhension entre les japonais et les chrétiens, les deux qui ne savent rien l'un de l'autre, qui se jugent, qui se jaugent et qui finalement se méprisent pas mal. Au-delà de ça, la question de la légitimité à aller évangéliser les japonais se pose aussi. Oui c'est une vérité universelle, mais encore ? On peut tout à faire comprendre que des japonais n'ont pas envie que des étrangers remettent en cause leurs traditions, leur façon de faire, de penser, etc.
Il y a quelques discussions assez fortes qui arrivent à l'illustrer.
Si je trouve donc le film intéressant, je ne le trouve pas non plus totalement abouti, ne parvenant donc pas à m'émouvoir, malgré quelques séquences vraiment réussies, notamment lorsque la caméra épouse le regard de Garfield enfermé dans sa cage totalement impuissant face à la barbarie en face.
Et je n'aime pas cette fin à la "et pourtant elle tourne" pour revenir chez Galilée, je trouve ça grossier, surtout avec la manière avec laquelle elle est amenée, très tape à l’œil... Et ça rejoint mon avis sur le reste du film, j'aurai aimé quelque chose de plus radical, de plus austère et de plus désespéré.