Il semblerait que cette année signe le retour des légendes de l'animation japonaise : si nous attendons toujours le prochain film du fondateur du studio Ghibli, nous pouvons déjà nous régaler avec le nouveau long métrage d'animation de Makoto Shinkai, réalisateur de génie considéré comme l'un des héritiers de Hayao Miyasaki.
Suzume pourrait se placer comme le troisième volet d'une trilogie (dont les deux premiers films seraient les célèbres Your Name et Les Enfants du Temps du même réalisateur) prenant à chaque fois comme protagonistes des adolescents provenant d'environnements totalement différents. Shinkai aime se focaliser sur les histoires d'amour naissant, et faire se reposer le poids du monde sur les épaules de ses protagoniste !
On suit ici Suzume, une lycéenne de 17 ans dont la route va croiser celle d'un jeune homme (Sota) dont elle tombe rapidement amoureuse. Ce dernier est à la recherche de ruines dans cette petite île de Kyushu, et s’avère (on l’apprendra plus tard) être un "gardien des portes magiques", qui doivent absolument rester fermées au risque de déclencher des séismes. Lorsqu'elle décide de succomber à la tentation et d'ouvrir une des portes isolées située en haut de la colline, Suzume se retrouve impliquée dans la mission concernant sa ville. Elle est désormais dotée d’un don lui permettant de voir les catastrophes naturelles imminentes, et part à la poursuite d'un chat mignon quoique machiavélique, qui a enfermé l’âme de Sota dans une chaise pour enfants, à l'importance capitale pour le déroule de l'intrigue.
C'est le début d'un voyage inoubliable quoique mouvementé, d'un road trip à la Château Ambulant pour tenter de réparer ses erreurs (à la manière de Sakura Card Captor !).
Une mise en scène dynamique, un style inimitable, une utilisation précise des images de synthèse et des couleurs pastels : ce film impressionne avec ces graphismes fins. Les décors sont très réalistes et aident à l'immersion ! Makoto Shinkai crée un univers au caractère magique et fantastique assumé (contrairement à ses précédentes réalisations), mêlant des légendes traditionnelles, du surnaturel et de la culture locale. On notera notamment Daijin, le fameux chat, largement inspiré des légendes shintoïstes.
Tout le long du film, la menace des catastrophes naturelles et leurs enjeux sont omniprésents, et se basent sur de réels événements. Les personnages évoquent les séismes de Kumamoto, de Tokyo ou encore de Kobe, les tsunamis et les pluies torrentielles de 2018. Comme dans Les Enfants du Temps, les univers des deux personnages sont bouleversés par les modifications de temps, d'espace et de climat, et cela entretient la tension et l'urgence. Ce qui est remarquable également, c'est le réalisme de certains lieux, de certains bâtiments que l'on peut trouver au Japon, comme la vue sur les gratte-ciels de Tokyo, le grand pont Akashi Kaikyo-Ohashi ou le port de Yawatahama. De nombreuses références à Miyasaki et à de nombreux autres dessins animés sont dissimulées pour les plus connaisseurs !
Les personnages sont attachants, attentionnés, et leur caractère vif, ainsi que cette B.O originale et entêtante, aide à maintenir une ambiance légère, qui contrebalance avec le scénario plutôt dense. Ce road trip permet à l'adolescente de faire le deuil de sa mère, mais aussi de la petite fille qu'elle était et qui n'avait jamais réussi à guérir après la perte de l’être proche. Oui, car s'il y a quelque chose d’émouvant avec ce film, c'est la façon dont le réalisateur introduit les souvenirs des catastrophes qui ont fait trembler le Japon. Il nous montre la peine, les personnages brisés par les décès, les conséquences que ces séismes, ces tsunamis, ces tornades, ont encore sur les survivants et sur les familles des victimes.
En conclusion, c’est un film d'animation que je recommande pour son aspect engagé et psychologique, mais aussi bien entendu pour ses esthétismes à couper le souffle. Si vous êtes fan de Miyasaki ou même de Makoto Shinkai lui même, ce film est un immanquable et une petite pépite à mes yeux.