Voici sept ans, ‘Your name’ était devenu par surprise le plus gros succès ciné de tous les temps au Japon. Pour ma part, malgré des qualités esthétiques indiscutables, j’avais eu un peu de mal à entrer dedans. L’histoire était belle mais ce “coming-of-age drama”, comme on dit de l’autre côté de l’océan Pacifique, triturait (avec brio) des sentiments et des problématiques typiquement adolescentes. Conscient d’avoir trouvé un filon, Makoto Shinkai récidive avec ‘Suzume’, du nom de son héroïne principale, une jeune fille qui va sortir de l’adolescence et s’émanciper de la supervision parentale à la faveur d’une quête pour préserver le Japon de portails qui, une fois ouverts, pourraient libérer des forces terrifiantes sur l’archipel. Malgré ce pitch, ‘Suzume’ ne baigne pas dans le folklore nippon mais plutôt dans le quotidien prosaïque du pays, et rarement une oeuvre d’animation aura offert un tel aperçu de ses paysages naturels ou urbains, rarement il aura brossé avec un tel talent et une telle crédibilité le portrait de quelques figures loins d’être archétypales (une mère de jumeaux qui travaille dans un bar à hôtesses, la tenancière d’une petite auberge, un étudiant bohème, etc…). Les attraits habituels de l’animation japonaise ne sont pas en reste, et le chaton Daijin ou le “fermeur” Souta, métamorphosé en petite chaise d’enfant durant toute l’histoire, suffisent à emporter la sympathie. Si le public auquel il se destine est évidemment assez similaire, le connaisseur en Anime notera un grand nombre de motifs récurrents, inspirés de ce qu’on trouvait dans les précédents projets de Shinkai mais également chez Miyazaki et d’autres, un léger manque d’originalité qui empêche peut-être qu’on trouve ce très beau dessin animé aussi renversant qu’on le voudrait. Si vous avez passé l’âge d’être ému par l’histoire d’une adolescence dont la page se tourne doucement, il vous restera toujours la facture visuelle, toujours aussi extraordinaire, dont vous pourrez vous repaître. Mais comment font-ils pour représenter de l’herbe qui donne à ce point envie de se rouler dedans, de l’eau dans laquelle on ne pourrait pas s’empêcher d’aller barboter, et de la nourriture qui vous expédie instantanément dans le frigo à la recherche de quelque chose à grignoter ?