« La Nuit se traine » est un premier film et le réalisateur Michiel Blanchart n’a pas choisi la facilité. Il propose un film court qui se déroule sur une seule nuit. L’intrigue part pied au plancher et l’action ne baisse pas d’un iota avant la dernière image. Quand on se lance dans un film noir, il faut essayer d’éviter les lieux communs. Même si Michiel Blanchart n’y parvient pas toujours, il réussi à nous plonger la tête la première dans la nuit d’enfer de Madi, et on ressort de « La Nuit se traine » un peu lessivé, comme si on venait de passer 90 minutes en apnée. Alors oui, « La Nuit se traine » est un film noir qui coche les cases du genre,
avec des truands sans pitié, des hommes de mains un peu bourrins, une victime innocente plongée dans un monde qui lui est inconnu, des endroits bien glauques (une maison close), la sempiternelle boite de nuit, des sacs de billets, des règlements de compte et des flics corrompus. On peut ajouter à cela une bonne demi douzaine de scène de baston et une poursuite en voiture et le compte est bon !
Mais tout cela, qu’on a vu et revu cent fois au cinéma, encore fait-il bien le faire. Et je dois reconnaitre que le film est assez maîtrisé. Le rythme est très soutenu, la musique est discrète et fait le job, les cascades sont réussies (notamment la première scène de bagarre
entre Madi et l’infortuné Sam
, qui est assez impressionnante de réalisme), même
la course poursuite de la fin
est parfaitement filmée. Dans la forme en tous cas, il n’y a pas grand-chose à redire au travail du néo réalisateur. Du point de vue du casting non plus du reste. Le film repose intégralement sur les épaules de Jonathan Feltre, il est de toutes les scènes, presque de tous les plans et je l’ai trouvé juste excellent. Même lorsque le scénario (on y reviendra) peut faiblir un peu, il sauve la mise grâce à son interprétation très juste et jamais outrancière du jeune Madi. C’est une petite révélation que ce jeune comédien que je ne connaissais pas. A ses côtés, des acteurs tous bien dans leur rôle, de Thomas Mustin (même si on est à deux doigts de la caricature de l’homme de main sans cervelle), à Jonas Bloquet en passant par Natacha Krief. C’est à Romain Duris qu’a échu le rôle de Yannick, le truand en chef. Forcément inquiétant, forcément sans pitié, c’est un genre de rôle qu’il n’a pas souvent composé. On l’a davantage vu en père de famille, en amoureux romantique que dans le grand banditisme ! Ma foi, on n’a pas besoin de beaucoup de forcer pour croire à son personnage, il s’en tire bien. Est-ce qu’en revanche, il faut se forcer pour croire au scénario ? Sur le principe non, le coup du serrurier blousé parce qu’il abaissé sa garde devant une fille c’est crédible. Qu’éventuellement il arrive à convaincre des vrais méchants qu’il n’est pas un complice mais une victime, pourquoi pas. Qu’on le charge de retrouver la fille et le fric en quelques heures, mouaih d’accord. Après, l’enchainement des péripéties montrent un Madi
quand même drôlement courageux, plutôt malin, parfois même à deux doigts de devenir aussi violent que ses persécuteurs. Il se bat plutôt bien, il est agile, court vite et conduit sa voiture comme une champion automobile,
pas mal pour un étudiant serrurier ! A quelques moment, la crédibilité du scénario faiblit un peu, il ne faut pas se mentir, c’est dans ces moments là que Jonathan Fletre fait le job pour faire passer la pilule. Le film (et ce n’est pas anecdotique) se déroule pendant une manifestation contre les violences policières et dans « La Nuit se traine », la police belge en prend un peu pour son grade :
corruption, violences policières, bavure, elle n’est d’aucune aide pour le jeune Madi au contraire. Au tout début du film, alors que l’engrenage vient de se mettre en marche, il envisage d’appeler la police mais renonce parce qu‘il a aussi peur d’elle que des truands. Pourquoi, ben parce qu’il est noir, tout simplement.
Ca en revanche, je pense que c’est assez crédible, pour le coup, même en Belgique. La fin fera surement parler, je ne sais pas si c’est cette fin là que j’aurais choisi pour ce film en tous cas. Si on a été en empathie avec Madi pendant tout le film, les 10 dernières minutes nous semblent un peu décalées, subitement on le comprend moins. Mais qu’importe car, pris dans son ensemble et malgré ses petits bémols, le film de Michiel Blanchart fait le job, c’est un petit thriller nerveux qui a pris le meilleur du dynamisme sans concession des américains tout en gardant une touche européenne, c’est un film sans prétention qui gagne à être vu.