Quand tout bascule
Un 1er film pour Sylvie Gautier, scénariste et réalisatrice. 103 minutes fortes et émouvantes qui font beaucoup penser, par le thème abordé, à l’excellent Ouistreham d’Emmanuel Carrère en 2021. Karine, femme de ménage, partage sa vie entre son travail de nuit avec ses collègues et Ziggy, son fils de 17 ans. Lorsque l'entreprise qui l'emploie est rachetée tout bascule pour Karine. La pression sociale va la pousser dans ses retranchements et la mettre face à un dilemme : dévoiler un secret ou mentir pour se protéger. Un sujet très fort peut-être traité avec un rare pudeur mais de façon un peu trop scolaire, par une scénariste qui promet car elle ose parler de sujet trop oublié comme l’illettrisme et la honte sociale. Courageux et… à encourager.
Parler au cinéma de la condition ouvrière, de la « France d’en bas » - Dieu, que je hais cette formule ! -, n’est pas si fréquent. Sans doute pense-t-on qu’elle concerne moins de monde. Or elle est encore très présente. Elle a des difficultés à joindre les deux bouts, des problèmes pour se faire entendre, la peur du chômage, mais aussi sa façon de rire de sa condition, et son esprit de solidarité. Ces femmes font partie des indispensables qu’on applaudissait pendant le confinement. Tout ce drame est loin d’être sordide ou plombant, comme son titre le dit, c’est même solaire dans lequel la solidarité sans faille de ces femmes réchauffe le cœur. Sans doute, dans l’avalanche de sorties sur les écrans, ce petit film risque de ne pas trouver son public. Faites-moi mentir.
Céline Sallette est une formidable actrice toujours très engagée dans les films qu’elle porte. C’est encore le cas ici, où elle est bouleversante. Thomas Gioria est un de nos jeunes acteurs qui n’en finit pas de monter. A 18 ans, il peut déjà être fier d’une belle filmographie avec Jusqu’à la garde, Adoration, Madeleine Collins et désormais ce drame social où il est tout à fait remarquable. A leurs côtés, Camille Lellouche, Souad Amidou, Eye Haïdara, Julie Ferrier, Bruno Salomone, sont tous très justes et apportent une pierre essentielle à ce bel édifice. Pour son 1er film, Sylvie Gautier me fait penser à Ken Loach… et ce n’est pas rien.