Maria, drame-histoire de Jessica Palud
Je n’avais déjà pas aimé le livre Vanessa Schneider « Tu t’appelais Maria Schneider » (Grasset, 2018), dont a été adapté le film, que je n’ai pas davantage apprécié.
Ni roman, ni biopic, comment qualifier l’un et l’autre sinon par le prisme des produits qu’ils représentent, des industries littéraire et cinématographique : un livre et un film.
Vanessa Schneider l’écrit elle-même, en prenant appui sur une chanson de Patti Smith, extraite de son album Banga :
« C’était après le Tango, après le scandale, après la désintégration intime de tes espoirs de bonheur. ‘Je t’ai connue, nous étions jeunes, je t’ai connue, nous étions jeunes’, fredonne Patti Smith de façon lancinante. Tu es pour elle « une étoile tremblante, douce et sans pudeur (…) ». Je ne t’ai jamais entendue parler de Patti Smith, son nom n’a jamais été évoqué dans la famille. Peut-être avais-tu préféré garder cette rencontre pour toi, peut-être t’avait-elle moins marquée que la chanteuse à la voix caverneuse. Cela fait partie des mystères que tu auras emportés. »
Voilà pourquoi je n’ai pas aimé le livre. Quarante-six ans après les faits, de sa cousine mystérieuse de 17 ans plus âgée, Vanessa Schneider n’avait rien d’autre à livrer aux lecteurs que des moments d’intimité familiaux anecdotiques qui auraient dû le rester. Ou à quel point ses parents ont fait preuve de générosité désintéressée quand il s’est agi de recueillir Maria dans leur deux-pièces du 7ème arrondissement de Paris, sa mère ne voulant plus d’elle. Maria étant devenue l’enjeu d’une vengeance entre une femme bafouée et un père lâche et opportuniste. Ou la reconstitution par les mots de La Scène polémique et de ses conséquences tragiques, qui ont conduit Maria Schneider tout droit à sa mort.
Le film Maria poursuit cette dynamique. À quarante minutes de la fin, il s’est passé une heure pendant laquelle Maria miaule face à Marlon Brando en gorille ou en chien. J’exagère. Bien sûr qu’il s’est passé quelque chose : La Scène choc avec la motte de beurre, et un gros plan interminable sur les larmes de Maria.
Ce film m’a autant gênée que le livre à l’époque. À vrai dire, il m’a carrément déconcertée. Je n’ai pas compris son intention, surtout aujourd’hui, 7 ans après l’émergence du mouvement #Metoo en France. Le livre, qui date de 2018, était publié à une date déjà limite. Que le film ait été distribué me semble une erreur.
« Vous souvenez-vous de l’homélie de Saul Bellow sur l’éthique et la morale (l’éthique, c’est l’argent, la morale, c’est le sexe) ? Dans une société civilisée, un bon jour, la morale et l’éthique font partie de la même entité, l’intégrité. » J’ai eu envie de reproduire ici les mots de Martin Amis (Inside Story) parce que je n’ai pas mieux à exprimer, sur la société vers laquelle, je l'espère, on tend, même si ça prend du temps.
Pour tout dire, j’ai quitté la séance, ce qui ne m’arrive jamais. J’ai eu cette impression amère et « malaisante » (la première fois que j’emploie ce terme que je n’aime pas mais qui, en l’occurrence, traduit « trop bien » mon sentiment, dans son époque) qu’on trahissait encore une fois Maria Schneider, et je n’ai pas eu envie de cautionner cela (même si, je suis restée tout de même une heure).
Depuis les 70’, il y a eu le tournage du Dernier Tango à Paris, puis la sortie du Dernier Tango à Paris, le livre Tu t’appelais Maria Schneider et à présent le film Maria qui n’est qu’un gros plan sur la reconstitution par l’image d’un viol.
Ni Matt Dillon (sur qui j’ai tant fantasmé en Rusty James), ni Anamaria Vartolomei ni aucun des acteurs ne m’ont touchée, je ne les ai pas sentis présents. Comme si Maria elle-même faisait obstacle. J’admets cependant la ressemblance assez déroutante entre Dillon et Brando. Deux nuances : Marie Gillain (la mère de Maria) est effroyablement convaincante. Stanislas Merhar (l'agent) a les deux lignes les plus percutantes du scénario (acteur que je ne vois pas assez souvent sur les écrans, je le regrette).
J’ai eu honte d’être allée voir ce film aujourd’hui.
Quelques temps auparavant, j’avais vu « Sois belle et tais-toi » (documentaire de Delphine Seyrig - 1981). Comme pour compenser. J’en propose ici l’extrait consacré à Maria Schneider. Un extrait qui rappelle le discours de Judith Godrèche aux César et et qui déjà évoquait le film de Rivette. Céline et Julie vont en bateau (1974) : "Il était que, cette fois, ça ne se passera pas comme ça, pas comme les autres fois."