Malheureusement vu en V.F, je n'ai pas eu le choix, mais j'ai eu la chance de tomber sur la version adaptée des écrits de Welles, et non la version éditée. Donc c'est la version 1h55 (et non 1h30). Je continue donc mes visionnages de Welles, dont je suis tombé définitivement amoureux, par La Soif du Mal, pas le moins connu du réalisateur.
Et bien ma foi, cet homme est vraiment un génie. Il ne suffirait que du long plan séquence d'introduction pour en être convaincu, tout du moins rien que pour l'aspect formel : incroyable jeu des lumières, positionnement de la caméra, animation, détails, clins d'oeil. C'est résolument moderne et inventif. Et ce n'est heureusement pas que la scène d'introduction qui vaut le détour. De nombreux plans très inventifs s'enchaînent tout le long du film, probablement plus encore que Citizen Kane par exemple.
Les acteurs, essentiels dans le film, sont également à leur avantage. Certes Orson Welles est un peu dégueu, tout bouffi, mais garde sa classe naturel. Les seconds rôles, que je ne vais pas énumérer, sont pratiquement tous convaincants - et essentiels. Bon après, Charlton Heston c'est pas ma tasse, mais il s'en sort pas mal - la surprise venant de Janet Leigh, au jeu assez incroyable, surtout quand elle joue dans des phases angoissantes (pas vraiment les romantiques). Enfin elle est aux antipodes de Psychose, sortit 2 ans après, où elle joue l'angoissé : ici elle est d'une nonchalance et d'un détachement assez divin, plus rayonnant encore avec sa beauté.
L'ambiance, associée au scénario, est géniale. On a la un pur film noir, probablement le meilleur que j'ai vu, avec les codes classiques : Los angeles (certes, nous n'y sommes pas ici; mais nous sommes pas loin), des mexicains, des policiers pourris et honnêtes, mais qui ont tous une classe à crever, et un flair incomparable, des guerres d'egos mêlés à des repliques cultes. Surtout, ce que j'ai apprécié, c'est une nouvelle fois l'humour, qui parfois touche presque au burlesque, mais qui est toujours bien senti. Le ton décalé rend une nouvelle fois le film très agréable à suivre, si bien que nous n'avons pas de difficultés à se l'avaler. De plus, l'idée de jeu permanent entre les frontières américaines et mexicaines, la confrontation entre deux polices, deux visions de la justice, confère une originalité certaine à l'oeuvre, la où des films noirs classiques dépeignent le plus souvent une histoire de corruption et d'anti-corruption au sein de la police même.
La soif du mal est un excellent film, un excellent Welles. Est-il le meilleur film noir? Ma méconnaissance du cinéma m'empêche de répondre; c'est en tout cas, par mon expérience, mon ressenti.