Sans probablement le savoir, il y a de grandes chances que vous connaissiez déjà l'illustrateur new-yorkais Adam Ellis, le héros de "Dear David", par l'intermédiaire d'Internet et, plus particulièrement, de Buzzfeed qui s'est nourri de ses nombreux comic strips mettant en scène son propre quotidien détourné de façon sarcastique.
Plus étonnant, en 2017, ce féru de réseaux sociaux s'est aussi fait remarquer par un fil Twitter devenu viral où il proclamait que le fantôme d'un petit garçon s'était soudainement mis à le menacer la nuit dans son appartement. Nourrie pendant plus d'un an par des messages, vidéos et photos du dessinateur sur ses interactions supposées avec son assaillant surnaturel, cette histoire (qu'on vous laisse le soin de croire ou non) a passionné des internautes à travers le monde entier et se retrouve presque logiquement aujourd'hui adaptée en long-métrage chargé de surfer sur les restes de ce buzz resté dans les mémoires du Net.
Évidemment repensé pour offrir bien plus de sensations fortes sur grand écran qu'une simple creepypasta, le scénario de "Dear David" va étayer le background de son méchant fantôme (et le dévoiler progressivement) en en faisant une des toutes premières victimes de trolls d'Internet ayant ensuite voué son existence post-mortem à les punir. Sorte de Bloody Mary 2.0, où le fait de lui poser trois questions offensantes via un clavier remplacerait l'invocation par la répétition son nom, la route du spectre torturé va croiser un jour celle d'Adam Ellis, lui-même victime de trolls au sujet de ses œuvres et auxquels il choisit de répondre, quitte à se laisser submerger par leurs remarques...
Sans faire d'étincelles, le propos global de "Dear David" est louable: une entité née de la haine gratuite d'anonymes dissimulés derrière leurs écrans prend pour un cible un homme qui s'égare à son tour dans ces commentaires nauséabonds et qui va devoir avoir un déclic à un moment ou à un autre avant de sombrer. Seulement "Dear David" passe son temps à nous l'asséner sans aucune subtilité, martelant ce discours à une intrigue qui a clairement de grosses difficultés à se distinguer des malédictions de ce genre passées avant elle (on sauvera le design du fameux David à la tête rabotée, le regard figé sur sa proie dans son fauteuil à bascule parvient à faire son petit effet) tout en ne proposant pas grand chose de follement passionnant en parallèle. Que ce soit sa vie intime (des problèmes de couple basiques) ou professionnelle (comme le film est produit par Buzzfeed, les quelques pics envers Buzzfeed en tant qu'entreprise basée sur le vide sont aussi futiles que le fond de leurs articles, à l'image du personnage rudimentaire de Justin Long), les éléments annexes chargés de montrer la chute du dessinateur ne sont jamais assez poussés vers des horizons originaux pour renforcer notre intérêt devant cette ghost-story informatique bien trop étirée pour une portée symbolique aussi limitée.
Et même quand "Dear David" essaie de réveiller sa mise en scène aussi flemmarde que le reste par un peu plus d'audace, notamment pour traduire l'esprit d'Adam emporté dans la folie des réseaux sociaux, il ne fait que répéter des artifices vus et revus dans la plupart d'autres longs-métrages traitant de la pollution des réseaux sociaux sur l'humain. Et, en parlant de la forme, mieux ne vaut pas aborder la terrible fausse bonne idée de l'acte final en la matière qui, par son ridicule, réussit à détruire les rares bonnes choses entrevues dans le film (même le pauvre David n'en réchappe plus).
À défaut de se fixer l'objectif d'être une réussite, "Dear David" aurait pu au moins essayer d'être amusant en multipliant les victimes grâce aux spécificités de son fantôme "high-tech" (ses quelques autres rencontres montrent que ça aurait pu assurer un minimum le spectacle) mais, en se focalisant à tout prix autour d'Adam Ellis et de ses petits tourments au final très banals, "Dear David" en ressort tout aussi plat que ce personnage, faisant fortement penser à une de ces très oubliables productions Blumhouse en mode téléfilm chargées de donner du contenu à une plateforme de streaming en période d'Halloween sans que personne de la boîte ne pense à leur donner à elles un vrai contenu (tiens, on dirait Buzzfeed en fait !).