https://leschroniquesdecliffhanger.com/2022/09/08/rodeo-critique/
"Ça gaze, ça freine, viens on va cramer là… ». Rodéo de Lola Quivoron, c’est tout un vocabulaire, une poésie, mais surtout c’est une claque. Une claque d’un instinct de cinéma, d’un instant de bobines, qui sans arrêt sent l’essence et exacerbe les sens. Ça sent le feu tout le temps, c’est bien la caméra incandescente qui brule avec le bitume, filmé pour de vrai, comme jamais, en cinémascope, façon western urbain. Folie enflammée de cinéma, dinguerie incendiée d’émotions. Véritable parti pris radical d’un point de vue strictement formel, c’est aussi sur le fond une immense audace jamais provocatrice ou complaisante, de les rendre beaux, nos anti-héros qui font parti cette bande. Ils sont à vif, du feu dans les yeux, du pétrole dans les veines.
C’est tout ça Rodéo, du vrai, du brut et une rage de chaque instant. On pleure devant cette aspiration pétée du casque d’une liberté, d’une évasion, d’un oubli.
Julia (Julie Ledru) est tout à la fois la beauté hypnotique de Ryan Gosling dans Drive (2011), le mal violent dans une troublante ressemblance à Rue dans Euphoria (2019), avec une gueule peut-être plus pétée encore et cette même souffrance, cette même envie de se faire du mal, quand on n’est rien. Un peu comme une Zendaya de l’asphalte brulant. Et bien sûr, Julia est aussi cette James Dean du bitume, qui flambe, crie sa fureur de vivre sur un mode déchirant. Elle est cassée, violentée, un peu folle et va un temps devenir une Reine. Elle est habitée, hantée, happée.
Une polémique dont la débilité est une caractéristique de l’air du temps cathodique, entrave l’univers de ce fiévreux bijou filmique. Sauf que dans Rodéo, justement, aucun rodéo urbain, mais juste du cross bitume. Dans ces temps de médiocratie ordinaire, les raccourcis racoleurs sont légion et souvent payants et rémunérateurs.
Il est question ici de contre-culture, d’émotions en feu, et sans apologie, de montrer caméra à l’épaule une vérité, un prisme, une prise de risque extrême. Clivant très certainement, naïf parfois, ce qui est tout sauf un défaut, mais surtout organique et jouissif cinématographiquement, c’est maintenant en salles...