Solitudes croisées
C’est donc du Gilles Legardinier tous azimuts. Pour son 1er film, il adapte son propre roman éponyme – quel titre ! -, il réalise, il écrit les dialogues, il produit et il joue même un petit rôle… J’ignore s’il cuisinait la cuisine de la cantine du film. Bref, l’homme à tout faire. Cela dit ces 110 minutes de comédie sentimentale sont joliment écrites et filmées avec un talent indéniable. Depuis qu’il a perdu sa femme, Andrew Blake n’a plus le cœur à rien. Un ultime élan le pousse à quitter Londres pour retourner en France, dans la propriété où il l’avait rencontrée. Ce voyage vers le souvenir des jours heureux ne va pas du tout se passer comme prévu…Pour rester au domaine de Beauvillier, Blake se retrouve condamné à jouer les majordomes à l’essai. Entre Mme Beauvillier, la maîtresse des lieux au comportement aussi étrange que ses relations, Odile, la cuisinière au caractère bien trempé, Philippe, l’intendant un peu frappé qui vit en ermite au fond du parc, et Manon, la jeune femme de ménage dont le destin bascule, Blake découvre des gens aussi perdus que lui. Face à eux, dans cet endroit à part, cet homme qui n’attendait plus rien de la vie, va être obligé de tout recommencer… Cocasse, sans doute un peu trop naïf, mais vraiment touchant… ça se laisse regarder avec plaisir.
Au-delà de l’histoire elle-même, le domaine du Bois Cornillé, en Bretagne, à Val-d’Izé, entre Vitré et Rennes, qui sert d’écrin à ce film, devient, par sa prestance et sa beauté, un des personnages centraux du scénario. C’est un régal pour les yeux. Pour le reste, on se laisse bercer par cette histoire pleine de douceur et d’imprévu. Le scénario est très original, les décors, je le répète, magnifiques, la photographie et les lumières somptueuses – même si ça sent le travail à plein nez, pour « faire beau » et des dialogues très écrits – peut-être un peu trop. Et surtout, et c’est évidemment l’atout principal de ce joli moment, le casting *** est au zénith. Laissez-vous bercer par la douceur de ce petit film et régalez-vous de la maestria du duo central.
Une star planétaire, John Malkovich, tout en humour so british et dans un français impeccable, donne la réplique à une de nos divas, la grande Fanny Ardant, pour un duo d’inconsolables d’un genre nouveau… c’est du nanan ! Mais les Emilie Dequenne, Philippe Bas, Eugénie Anselin, sont parfaitement à la hauteur des seconds rôles pas si « seconds » que cela. Eux aussi sont au top de leur forme. Beaucoup d’humour, de tendresse et d’invention dans ce rendez-vous mélancolique des solitudes. Certes pas le film de l’année… mais par définition, il n’y en a qu’un. Donc, ne jamais se refuser un bon moment plein de charme désuet, malgré quelques invraisemblances qu’on oublie vite grâce à la forme et le talent de toute la troupe.