Le pot de terre contre le pot de fer
Le 1er long métrage de Delphine Deloget a été un des chocs du dernier Festival de Sarlat. 112 minutes bouleversantes pendant lesquelles, elle dissèque les tenants et les aboutissants d’une famille dans la tourmente quand tout explose et comment elle apprend, dans la douleur, à vivre les uns sans les autres. Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement. Les services sociaux sont alertés et placent l’enfant en foyer, le temps de mener une enquête. Persuadée d’être victime d’une erreur judiciaire, Sylvie se lance dans un combat pour récupérer son fils... Une plongée dans la complexité humaine servit par une réalisation sobre et une formidable interprétation. A voir !
Lorsqu’on parle de placement, on imagine le pire : inceste, maltraitance, sévices... Et les clichés ont la peau dure. Or, 70 à 80% des placements d’enfants sont ordonnés suite à ce que les services sociaux appellent de la « défaillance » : un mot tiroir pour parler de parents désorientés, d’enfants difficiles à gérer, de carence éducative, de logements inadaptés, de familles endettées… Il ne s’agit pas ici, d’un cas d’école, donc une occasion de faire une démonstration, ou d’expliquer un combat. Ce qui est passionnant dans ce drame, le tout habilement souligné par la mise en images, c’est que l’héroïne est hors cadre, alors que tout ce qui vient de l’ASE - Aide Sociale à L'Enfance -, est régit par des règles très strictes. L’affrontement des deux mondes est donc inévitable. Pourtant le scénario se grade bien de tout manichéisme, personne n’est parfait, chacun a ses torts, mais dura lex, sed lex doit-il être l’alpha et l’oméga de toutes décisions de justice ? C’est une des nombreuses questions posées même si, bien sûr, on prend fait et cause pour cette « mère courage » dans sa lutte contre les institutions qui lui veulent du bien… malgré elle. Un très beau 1er film.
Que dire de l’épatante Virginie Efira qui n’ait pas encore été dit. C’est une actrice incroyable quel que soit le registre dans lequel elle évolue. A ses côtés le jeune Félix Lefebvre, une découverte de François Ozon dans son Eté 85, et qu’on a revu depuis dans La Passagère et Mon crime, confirme ici qu’il est une de nos meilleures jeunes pépites. Le débutant Alexis Tonetti est une vraie découverte. Arieh Worthalter, India Hair, Mathieu Demy complètent l’affiche. Mais on se dit que le titre Rien à perdre est hélas trop bien adapté quand on songe qu’il sort en salle le même jour que le rouleau compresseur de Ridley Scott, Napoléon ! Aidons ce merveilleux petit film qui le mérite.