Cette adaptation du Capitaine Fracasse est relativement fidèle au livre d’origine, mais un peu à l’image du livre d’origine, elle est plutôt ennuyeuse. Gautier offre un bouquin énorme bourré de descriptions qui n’en finissent pas. Le film nous épargne les longues descriptions, mais il distille un faux rythme assez pénible dans sa partie centrale, doublé d’autres défauts notables. Visuellement, il est réussi dans ses décors, son ambiance, qui retranscrivent d’ailleurs fidèlement. L’ouverture très gothique par exemple, est très esthétique, et le film propose des effets à l’ancienne des plus appréciables. Il y a de belles idées visuelles, néanmoins, il faut avouer que la réalisation est à la peine dès que le film prend de l’ampleur. Ca devient vite fouillis à l’écran, notamment dans les combats, qui ne sont pas toujours très heureux, notamment avec des accélérations douteuses. D’autant plus dommages que les acteurs sont plutôt bon escrimeurs et que ce n’était pas nécessaire pour créer des combats assez dynamiques et visuels. Gance se perd parfois dans des conceptions d’image assez bordéliques, voulant sûrement trop en faire avec une masse de figurants et un montage pour donner du punch qui finit seulement par nous donner une impression de désordre.
Le scénario quant à lui suit l’intrigue du roman. Il propose de bons moments, notamment avec Matamore, et on plonge avec un certain plaisir dans la vie quotidienne d’une troupe de théâtre à cette époque. Il n’en reste pas moins que le film, très théâtral dans sa proposition, ne nous épargne pas des lieux communs de la commedia dell’arte, notamment des moments un peu longuets dans sa première partie avec des histoires d’amour qui ne font pas trop avancer le schmilblick. Il y a des longueurs. La deuxième partie du film, qui devient plus cape et d’épée gagne en rythme, toutefois, il faut bien avouer que certains processus narratifs, toutefois issus du livre, sont désuets et que le suspense n’est pas des plus flamboyants. Le film n’est pas trop ennuyeux, mais surtout par ses artifices visuels et les numéros d’acteurs, l’intrigue restant plutôt fade.
Les acteurs, c’est à la fois l’atout et peut être le point faible du film. Si on aime pas le théâtre au cinéma, ça va être impossible à supporter, car les acteurs sont hyper théâtraux, tant dans leurs prestations que dans le texte qu’ils déclament. A part peut-être Assia Noris, qui arrive à jouer de façon plus naturelle, la plupart des autres interprètes principaux font du théâtre, et clairement, c’était la direction d’Abel Gance. Ca peut être insupportable, et en même temps, ils jouent très bien le théâtre, et surtout, ce n’est pas inadéquat avec l’esprit du livre. On a une troupe de théâtre, on a des personnages hauts en couleur, il y a forcément une âme théâtrale qui méritait d’apparaître à l’écran. Gravey est très bon dans son rôle, Assia Noris convenable, il y a des seconds rôles brillants, notamment Matamore, globalement le film est porté par l’entrain de ses interprètes. On peut adjoindre aussi une bande son très fournie avec beaucoup de titres chantés plutôt bienvenus.
Le Capitaine Fracasse date de 1943 et pourtant, à bien des égards, il fait plus vieux que son âge. Ca aurait presque pu être un muet des années 1920. Il en a certaines des qualités formelles, notamment les décors, et le jeu théâtral des acteurs. Certains effets auraient pris plus de sens en muet, comme les accélérations. Pas déplaisant, ce n’est toutefois pas un grand film et il y a des défauts manifestes qui pourront même le rendre irregardables aux yeux de certains. J’ai relativement apprécié, mais il ne faut pas être dupe, ce n’est pas un grand Gance. 2.5