Avis sur A Chacun sa vie

A Chacun sa vie est un film avec un sujet qui plaisait beaucoup à l’époque, et qui d’ailleurs continue de plaire, car il peut autant nourrir des films comiques que dramatiques : la rencontre improbable riche/pauvre.
Ici une jeune fille va en quelque sorte être « prise sous l’aile » d’un sculpteur renommé après une rencontre inopinée. Forcément ce sculpteur est joli, l’amour s’installe, mais c’était sans compter l’intervention d’Ida Waterman, bien décidé quand même à éviter que ça n’aille trop loin. Le souci du film, c’est que sur ce canevas assez faible, il ne se passe pas grand-chose. Durant à peine plus d’1 heure, on a l’impression de ne pas voir de grands moments. Celui des enchères est sympathique, le final est charmant, mais pour tout dire les passages notables manquent. Le film n’offre pas vraiment d’émotion, l’humour est rare, le drame presque mis de côté. Ce ne serait l’excellente Mary Pickford, le film ne distillerait presque pas de sentiments, et serait un conte moderne bien terne.
On peut en trouver la raison dans des scènes trop courtes, une narration trop rapide, qui peine à prendre son temps, mais aussi sur une réalisation purement technique. Neilan ne brille pas énormément par les qualités de sa mise en scène, choisissant des plans souvent trop serrés pour être respirant et donner de l’ampleur au décor, et souvent trop distants des personnages pour permettre de traduire les émotions à l’écran. La discussion romantique sur un banc, par exemple, c’est juste une discussion quelconque à l’écran. Pareil pour la fin, qui manque d’une mise en scène vraiment en mesure de soutenir les émotions qui devraient passer à l’image.
De la même manière, si Mary Pickford est excellente ici, et porte littéralement le film sur ses épaules, autour d’elle les acteurs manquent peut-être un peu de vigueur. Ils sont pour ainsi dire trop sobre, spécialement Norman Kerry. William Scott lui se débrouille bien, mais Kerry est parfois engoncé dans une sorte de carcan bourgeois, et malgré un physique imposant on dirait un monolithe ! Forcément, dans ces conditions difficiles de savoir ce qu’il pense réellement ! Je ne suis pas un adepte du surjeu, mais c’est clair que dans le muet je préfère cela à une trop grande sobriété.
Franchement, il faut voir A chacun sa vie pour un conte moderne, mais ne pas attendre grand-chose de mémorable. Pour ma part, c’est trop court 1 heure pour que le film puisse dire tout ce qu’il a à dire sans faire d’omissions gênantes. On a l’impression d’assister à un film reader’s digest, où l’on a condensé en pensant éliminer l’inutile. Mais dès lors que l’on aborde les sentiments, je crois que c’est mieux de prendre son temps, ne serait-ce que pour offrir une narration qui ne soit pas trop saccadée, trop « mathématique », où tout semble trop évident. 2, pour l’excellente Pickford, le bon William Scott, quelques belles scènes, surtout au début et à la fin, pour des décors corrects, mais je suis presque généreux.