Le dernier des juifs est assurément une comédie sociale qui fera date.
D’abord par le sujet qui aborde avec tellement d’humour, de sensibilité, de drôlerie, de poésie, et d’humanité un sujet grave et complexe : l’intégration des communautés juive (sépharade), arabe musulmane, et noire, dans nos banlieues, cette mixité du vivre ensemble dont nous avons tant besoin.
Et ceci, Noé Debré, grand scénariste, dont c’est le premier long métrage, le réussit magistralement grâce au personnage de Bellisha, héros du film, prouesse de jeu du comédien Michael Zindel, qui tient tout le film dans son corps, mélange de nonchalence et de vivacité d’esprit à s’adapter. Sans ce dernier, et le couple fils-mère incroyable qu’il réalise avec Agnès Jaoui, le film ne tiendrait pas.
Il faudrait aussi citer chaque personnage secondaire qui ne sont pas en reste Eva Huault, la délicieuse maitresse de Bellisha, Solal Bouloudnine, le cousin Asher, qui a la tchatche commerçante à saisir les bons coups, véritable contrepoint de l‘insouciance légèreté de Bellisha, et Youssouf Gueye, l’ami noir qui croit ne pas aimer les juifs.
Mais derrière ce cadre, se dessine l’autre sujet du film, plus profond : comment se séparer de sa mère quand on lui est attaché ? Cette (angoisse de) séparation court en filigrane à travers tout le film, s’intégrant à la séparation de l’Algérie, de la terre-mère. Accepter de prendre sa valise, et d’explorer d’autres chemins, d’autres territoires. Il n’y a pas de vie sans séparation.
Ce qui fait la réussite du film tient à deux choses :
d’une part la voix off, un peu ampoulée, qui raconte le récit, et vous saisit dès les premières images du film. Comme si tout était écrit dès le départ, du destin de Bellisha, pantin dans les mains du créateur, qui, l’air de rien, va savoir s’affranchir de ce destin.
d’autre part l’attitude clownesque du couple Zindael-Jaoui :
Michael Zindel, dont le personnage inoui, lunaire, toujours à côté de ses pompes, non sans une libido active, et laissant glisser sur lui les attaques et les coups de la vie, s’inscrit dans la droite lignée de Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Jacques Tati. Révélation du film , dont la ressemblance avec le cinéaste Noé Debré laisse entrevoir un cheminement possible parallèle au couple Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel) - François Truffaut 60 ans plus tard.
Agnés Jaoui, sensible, subtile, burlesque, émouvante dans ses contradictions, ses angoisses, sa douleur, compose un incroyable duo avec lui, dont on ne sait plus très bien qui est l’enfant et le parent.
Il faudrait aussi évoquer la richesse des évocations musicales, et des chants, dont celle bouleversante du générique d’Enrico Macias, qui donnent la couleur du film.
Le dernier des juifs... ou le premier des justes, un film tout simplement juste ! Un film culte, à voir et à revoir ! Ce que je vais m’empresser de faire tant certaines scènes et répliques vont devenir des scènes cultes.