À vingt-sept ans Bellisha (Michael Zindel) vit encore chez sa mère (Agné Jaoui), à laquelle il sert de garde-malade, dans une tour HLM de la banlieue parisienne. Autour d’eux, les Juifs s’en sont allés, déménageant dans une banlieue plus chic ou partant en Israël faire leur alya. La synagogue a fermé faute de pratiquants et le commerce casher où Bellisha a l’habitude de faire ses courses est voué lui aussi à la faillite.
Jeune scénariste talentueux, Noé Debré, qui a signé la série "Parlement" sur France.tv réalise son premier long. C’est une comédie drôle et grave à la fois qui entrelace deux sujets. D’une part le double portrait d’un adulescent, d’un Tanguy, incapable de quitter le nid familial et d’une maman juive possessive comme on les aime, qui se meurt inexorablement d’une néphropathie, de leur attachement l’un à l’autre et de leur inéluctable séparation. D’autre part, au-delà de ce microcosme, un film sur la judéité et la difficulté de la vivre en milieu populaire dans la banlieue parisienne aujourd’hui.
"Le Dernier des Juifs", dont le titre joue intelligemment, comme le relève Marie Sauvion dans Télérama, sur la polysémie du mot dernier, ultime ou indigne, excelle dans le registre comique, sinon loufoque, en révélant un nouvel acteur, Michael Zindel, qui joue à merveille un adolescent sans âge à la vie réglée de retraité. Bellisha n’a pas de travail. D’ailleurs, quand son cousin lui propose de l’accompagner dans ses tournées commerciales, il y sème une joyeuse zizanie. Il n’a pas de diplôme non plus. Sans voiture, sans permis, sa seule occupation est de faire les courses pour sa mère dans les commerces du coin. A-t-il une sexualité ? Il rend certes visite à une voisine, gironde, arabe et mariée, qui aime qu’il lui susurre des mots sales en hébreu ; je m’étais demandé si leur relation était platonique avant de lire des commentaires qui ne se posent pas cette question pudibonde. Sa judéité est chancelante : Bellisha ne fréquente pas la synagogue, ne parle guère l’hébreu. Mais, pour sa mère, cette identité obsidionale le définit.
Certes, "Le Dernier des Juifs" n’est pas manichéen. Avec un humour volontiers enclin à l’auto-dérision, il raille le racisme dans lequel certains Juifs manquent de verser au nom précisément de l’anti-racisme. Il n’en évite pas pour autant les clichés, pas toujours drôles et parfois même malaisants. Ainsi de la cérémonie œcuménique qu’une mairie bien-pensante veut à tout prix organiser entre les différents cultes.
"Le Dernier des Juifs" n’est pas un chef d’oeuvre inoubliable. Loin de là. Il n’en a pas d’ailleurs l’ambition. Il lui manque un scénario, une histoire qui fasse avancer le film dont le seul fil rouge, sans surprise ni tension, est la lente dégradation de l’état de santé de Giselle. Il n’en reste pas moins une chronique drôle et touchante sur la judéité, le vivre-ensemble et le deuil.