Il est impossible de parler du film de Terry Gilliam, sans évoquer son parcours personnel, mais aussi sans parler avant toute autre chose, de Chris Marker et de son film expérimental de 1962, la Jetée. En effet, l’Armée des douze singes est très largement inspiré du film de Marker, film considéré aujourd’hui comme un chef d’œuvre par de nombreux cinéastes et cinéphiles avertis. La Jetée est un court métrage traité à la façon d’un roman photo en noir et blanc, hormis un plan de 6 secondes, (19’47’’ à 19’54’’), sur les battements de paupières d’Hélène Châtelain, héroïne du film avec Davos Hanich. Suite à la 3ème guerre mondiale, l’humanité a été décimée dans sa très grande majorité par des explosions nucléaires, (nous sommes en 1962) et les survivants sont contraints de vivre sous terre et notamment dans les souterrains de Chaillot. Certains dirigent, les autres sont des prisonniers qui font l’objet d’expériences scientifiques, afin de créer un ‘’pont’’ temporel entre le passé pour y trouver des vivres et l’avenir pour y trouver de l’énergie et permettre au présent de survivre. Les expériences sont douloureuses, parfois mortelles. La Jetée vaut le détour, par son cheminement et son expérience. Cela se révèle un peu déroutant, surtout aujourd’hui, à l’heure de la 3D et de la caméra numérique miniaturisée. On retrouvera dans le film de Gilliam, 99% de l’humanité décimée, mais par un virus, la vie sous terre et les expériences scientifiques avec des prisonniers délinquants, (condamnés pour violence, meurtres, etc…), volontaires malgré eux, pour remonter la source et comprendre l’origine du virus afin de le combattre et de retrouver pour le reste de l’humanité, l’air libre et la vie en surface. La Jetée, court métrage de 28 minutes, nous projette dans la temporalité, le rêve, les souvenirs récurrents, mais aussi sur l’interrogation de l’histoire de l’Humanité, son évolution, sa transformation et sa perte potentielle à plus ou moins long terme. Il est inspiré par ailleurs du film de Sir Alfred Hitchcock, Vertigo, (Sueurs froides), qui ne sera pas oublié par Terry Gilliam. Chris Marker, (Christian-François Bouche-Villeneuve de son vrai nom), est un cinéaste français qui dans son enfance a été marqué par un procédé visuel, le Pathéorama, visionneuse d’images fixes, procédé repris en quelque sorte pour son court métrage la Jetée. Ce film expérimental est le 8ème film de l’auteur parmi sa très importante filmographie, (beaucoup de courts métrages), ainsi que ses très nombreuses collaborations avec Alain Resnais notamment. Il est photographe, écrivain et professeur de philosophie, ce qui explique peut-être cette œuvre futuriste et intellectuelle. Malgré tout, Chris Marker, marqué très à gauche, réalise plutôt des films engagés politiquement, comme Joli Mai par exemple sur la Guerre d’Algérie, (textes écrits par CM, narrateur Yves Montand). La Jetée, drame SF, fait figure dès lors d’exception dans sa filmographie. Ce film utilise de très nombreux symboles, symbolique que nous retrouvons par ailleurs dans le film de Terry Gilliam, film qui aborde philosophiquement deux thèmes majeurs notamment, le complexe de Cassandre et le syndrome de Stockholm. Le traitement des deux œuvres est évidemment très différent. Un court de 28’ pour La Jetée, qui devient un long pour l’Armée des 12 singes, avec 129’, du noir et blanc en plan fixe pour le 1er, de la couleur et un casting hollywoodien, (Bruce Willis, la divine Madelaine Stowe, Brad Pitt qui commençait à cartonner dans autre chose que jeune premier, le très talentueux Christopher Plummer et David Morse, (La ligne verte, un must), pour ne parler que des plus présents à l’écran) pour le 2nd et deux univers différents qui concerne toute la créativité de Chris Marker d’un côté et celui de Terry Gilliam de l’autre. On peut aimer ou détester ces auteurs, une chose est certaine pour autant, ils possèdent un univers personnel vertigineux. Pour aborder l’Armée des douze singes, (et par ailleurs les autres œuvres de Terry Gilliam dont le fameux Brazil), on ne peut occulter le parcours de cet américain devenu anglais. Terry Gilliam est un fin connaisseur des sciences politiques dont il est diplômé. Mais il est aussi une plume ‘’journalistique’’ redoutable et décalée, libre diront certains, un fin plasticien, un graphiste reconnu, un dessinateur avéré. Bref, l’univers de Terry Gilliam est redoutable, artistique, profond, varié, déjanté, mais aussi solide et rigoureux, imaginatif et déraisonnable, (non sens stories), déraison que l’on retrouve à travers l’aventure extraordinaire des Monty Python. Cela explique en grande partie l’atmosphère si particulière de ses films, les décors, les histoires, les détails comme dans Brazil, d’ailleurs. L’Armée des douze singes aborde donc la temporalité, mais aussi les possibilités que nous souhaiterions tous, (au moins une fois dans sa vie), de remonter le temps pour changer .../... La suite sur www.etoilesetoiles.fr (texte trop long désolé ..) @