Avant de voir le film, je me suis demandé comment j'allai le recevoir, je ne me faisais pas de souci sur la qualité, j'aime Gilliam (bon ok le dernier était pas top, mais Brazil c'est cool), ce n'est pas le problème. Simplement, j'avais déjà vu La Jetée et du coup je me demandais si on pouvait quand même apprécier le film en connaissant globalement l'histoire. Eh bien oui, on peut. Je dirais même que c'est encore mieux.
Parce que ce qui est génial avec 12 Monkeys, c'est que Gilliam prend l'histoire de Marker, se l'approprie en lui restant fidèle, l'enrichie et l'adapte à son univers. Oui parce que même l'univers de Brazil semble normal et vivable en comparaison du futur montré dans ce film. C'est sale, on vit sous terre, il y a des scientifiques bizarres qui n'arrêtent pas de nous renvoyer dans le passé... Franchement, c'est pas un monde ça !
Ce que j'ai apprécié dès le début, comme dans La Jetée, c'est cet aspect irrémédiable des choses. Cole le dit bien : on ne peut pas changer le cours des choses, c'est arrivé un point c'est tout, on ne pourra pas empêcher que la catastrophe arrive. Alors oui c'est plus pessimiste que la plupart des histoires de voyage dans le temps, même dans La Machine à explorer le temps on prend soin d'envoyer notre explorateur des milliers d'années dans le futur. Là, c'est à peine quarante ans dans le coup je crois que Gilliam a compris le film de Marker, son pessimisme, c'est comme le destin on ne peut y échapper, ce qui doit arriver arrivera.
Du coup, c'est tout aussi intelligent dans le propos que le Marker, bien que la fin me semble moins désespérée, un peu plus porteuse d'espoir. Peut-être la musique ou le regard de Madeleine Stowe. On est tellement au-dessus d'un Looper qui ne s'assume pas dans son concept et qui gâche tout cohérence , particulièrement à la fin au nom d'un happy ending assez nul.
Là, pas de happy ending à la noix. De toute façon ça ne peut que finir comme ça. Tu m'étonnes que Gilliam ait pas mal discuté avec les producteurs à propos de la fin. Du coup ça peut paraître plus pessimiste sur la fin qu'un Minority Report (oui oui, je connais la théorie du "bad ending" de Minority Report).
Mais ce qui est surtout bien, c'est que contrairement au Marker, le héros a quelques problèmes lors de ses voyages. Il est pris pour un fou, se fait interner, kidnappe la fille... Bref, tout pour se faire remarquer. Du coup c'est sympa de voir ce qu'un tel concept pourrait avoir comme conséquence dans le monde moderne. Cet aspect n'était pas du tout abordé dans le Marker, puisque l'homme était catapulté dans le passé et s'y "promenait" sans trop de soucis. Du coup c'est intéressant, d'autant plus que notre héros s'habitue au passé, à vivre à l'air libre, et regrette de ne pas pouvoir vivre ici tout le temps. C'est vraiment un gros travail qu'a accompli Gilliam, un travail d'enrichissement et d'exploration de l'histoire, il s'agit d'explorer de nouvelles pistes qui n'avaient pas été explorées avant, de regarder le potentiel de l'histoire pour donner quelque chose d'à la fois fidèle et différent. Ce que tout remake devrait être en somme.
Et pour autant il ne délaisse pas l'histoire d'amour, centre du premier film. Alors si ça ne m'a pas autant touché que chez Marker, c'est réussi, la relation entre les deux personnages est intéressante. C'est différent, la femme est plus active, finit par croire notre fou et à vouloir s'enfuir avec lui. Mais... on connaît la suite.
Gilliam réussit donc l'exploit d'adapter Marker à sa sauce et à reprendre avec talent une des meilleures (ou la meilleure) histoires de voyage dans le temps du cinéma. c'est pas rien.
Ah et j'aime bien cette musique qui revient sans cesse, comme pour signifier que le destin est irrémédiable, et qu'on ne peut rien y faire.