Dans une vision futuriste d'un monde ravagé, Terry Gilliam comme beaucoup d'autres avant lui exploite le fantasme de la dévastation de l'espèce humaine. Une humanité égo-centriste qui aurait causé sa propre perte. Contraints de vivre dans des sous-sols moisis, où ils s'entassent comme des rats, les hommes sont devenus une espèce des bas fonds de la Terre, les règles de la sélection naturelle ayant été inversées. Parmi eux, James Cole, un des nombreux enfants de la déchéance, qui n'a jamais connu la vie telle qu'elle était autrefois. Renvoyé dans le passé par un groupe de scientifiques, il va essayer de comprendre les origines de ce mal qui ronge les hommes, de ce virus destructeur qui a tout changé, un jour de 1997.
Après un départ qui nous familiarise avec le personnage et son univers, nous plongeons définitivement dans l'aventure au moment où il se retrouve projeté en arrière, d'un bond de plus de 30 ans. Et c'est à partir de ce moment là que le film prend son envolée pour nous livrer une histoire à couper le souffle. Ce thriller à base de paranoïa constante nous emmène au cœur d'un monde pré-apocalyptique, où s'entrecroisent rencontres surprenantes et détails scénaristiques précis, qui nous happe comme jamais dans la quête de cet homme, d'une part pour connaître la cause du mal, d'autre part pour découvrir malgré lui ce qu'est la véritable vie, et donc se redécouvrir lui-même. Là où Terry Gilliam réussi son coup c'est en nous proposant un double discours fluide, les deux aspects de l'histoire se mariant parfaitement l'un avec l'autre.
D'une rencontre hilarante avec Jeffrey Goines et d'une rencontre touchante avec Kathryn Railly, nous allons voir cet homme se battre, comprendre, hésiter, se perdre, fuir, chercher, vivre. C'est tout simplement 2h de vie pleine que nous parcourons avec ce personnage, une vie qui bascule sans arrêt, lui-même ballotté de droite à gauche vers une destinée qu'il ne maîtrise pas vraiment. Le rythme est à la fois dynamique et posé, sachant trouver ses temps faibles pour nous faire souffler et nous laisser apprécier avec encore plus d'habileté l'évolution des personnages. L'histoire quant à elle nous réserve son lot de surprises en nous proposant une multitude d'informations qui s'avèrent reliées les unes avec les autres avec brio. Si tout cela ne suffisait pas, en plus du travail sur l'univers, les personnes et l'histoire, nous avons des plans sublimes qui ponctuent la course effrénée de nos deux personnages. Certes, après près de 20 ans, certains effets de style et la bande-son apparaissent un peu vieillots, mais qu'importe, une légère ride, timide et discrète, donne parfois toute sa beauté à un visage. Ici, le visage peint d'une main de maître par Gilliam est sublime, entre émotions personnelles et interrogations universelles.
D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ? Ces questions ne trouvent pas de réponses et n'en trouveront jamais. La seule chose à faire est d'apprécier la simplicité de la vie, telle que semble l'apprécier notre personnage, qui respire l'air comme personne. Dans une aventure asphyxiante et troublante, nous avons donc l'impression d'avoir plongé dans un immense bol d'oxygène, et on en ressort donc les poumons pleins, pleins d'amour pour le cinéma, pleins de vie.