Un très beau film qui allie le document historique, le témoignage personnel et une réalisation brillante et stylisée à souhait. On est en effet séduit par ce film de veine naturaliste ; on retrouve l’atmosphère des films des années 30 de Jean Renoir, de René Clair, de Duvivier. Les gens, les paysages, sont filmés de manière allègre, joyeuse, la nature ( cette montagne grenobloise) est de toute beauté. La fête de la libération est par exemple un magnifique exercice de style, en quelques plans tout est montré, comme une retranscription de style impressionniste, pas la peine de commentaire. Ensuite il y a la formidable interprétation de Michel Simon , exceptionnel, truculent , tout en expressionisme émouvant. Une prestation comme aucun acteur contemporain ne pourrait probablement la faire. Donnant tout de sa personne, comme déroulant devant nous une tranche de vie réelle. Il est illuminé, il est habité, tendre, protecteur, borné tout à la fois. Les autres acteurs sont tous très bons et très bien dirigés, une mention spéciale pour Paul Préboist , en paysan rapace, profiteur, fourbe, mais sympathique, très juste. . Et puis il y a bien sûr le fonds, la description des années 43/44, le sort subit par les juifs, la nécessité de cacher les enfants, pour les protéger. Le climat de l’occupation est décrit très finement, sans manichéisme, il montre ( mais ne démontre pas ), il fait entendre (la radio de Vichy, les chansons qui se moquent des juifs, la chanson a hommage au Maréchal et puis aussi la radio de Londres et ses message codés ). Michel Simon écoute les deux radios, mais comme il est un ancien de la 14/18, son profil correspond plus au néo collaborateur , qui soutient Pétain en souvenir de la grande guerre. Mais au fond c’est un brave homme. La scène ou l’enfant lui demande de définir, comment reconnaître un juif est excellente, et reflète tout l’esprit du film. Le bon gros, tout penaud, essaie de définir un profil physique et assure qu’il les reconnaît à coup sûr et le jeune garçon (très belle interprétation du petit Alain Cohen) sourit , et jubile du piège qu’il lui a tendu. C’est formidable, tout est dit, l’antisémitisme est entièrement démonté par cette scène. Le fils de Simon ( joué très finement par Roger Carel, qui est excellent , et l’on peut regretter qu’il n‘ait pas fait une plus belle carrière d’acteur, spécialisé qu’il était dans le doublage) reflète bien le français moyen , qui ne veut pas trop s’engager ,et attend de voir comment va tourner le sens de l’histoire , il reflète bien la majorité silencieuse . Le final est aussi très beau, très sobre , il n’y a pas de pathos : le grand père sait que l’enfant partira un jour, on voit en un seul plan, l’arrière du bus qui s’en va, l’enfant qui fait un signe d’adieu, pépé et mémé qui pleurent , on a la dramaturgie nécessaire et suffisante, tout en sobriété. C’est remarquable et très intelligent de la part de Berri, démontrant beaucoup d’amour pour la France, et de compassion face aux hommes et aux évènements.