Connaissez vous l'article 29 de la LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ? La loi ELAN si vous préférez. Cet article fait état d'un dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires. Les opérations d'occupation temporaire de locaux en vue d'en assurer la protection et la préservation font l'objet d'une convention entre le propriétaire et un organisme public, un organisme privé ou une association qui s'engage à protéger et à préserver les locaux qui sont mis à sa disposition et à les rendre au propriétaire libres de toute occupation à l'échéance de la convention ou lors de la survenance d'un événement défini par celle-ci. N'est-ce pas super de protéger les biens de propriétaires d'une occupation illicite tout en offrant un logement à des personnes nécessiteuses pour une redevance bien inférieure au prix d'un loyer ? Il y a 6 ans, le réalisateur Nicolas Silhol s'était déjà plongé dans le monde du travail avec un certain bonheur, avec le film "Corporate". Il revient à la charge avec "Anti-squat" dont le personnage principal est Inès, une femme d'une bonne trentaine d'années, mère célibataire d'Adam, 14 ans, et qui, alors qu'elle est menacée d'expulsion, voit la possibilité de trouver travail et logement en se faisant engager chez Anti-squat, un organisme privé qui "protège" des locaux inoccupés dans le cadre de la loi ELAN. Pour commencer, 2 mois à l'essai comme "resident manager" d'un ensemble de bureaux avec l'espoir, si elle donne satisfaction, de monter en grade en obtenant un CDI beaucoup mieux rétribué. Chargée de recruter des résidents et de faire respecter un règlement particulièrement strict, Inès va s'apercevoir que ce qui est proposé dans la loi ELAN n'est pas aussi super que cela, très flexible pour les propriétaires et particulièrement contraignant pour les résidents. Déjà, lors du recrutement, les critères pour devenir résident sont très restrictifs. Ensuite, les résidents recrutés ne doivent surtout pas se considérer comme étant des locataires, ils ne sont absolument pas chez eux, leurs droits sont très limités et le règlement qu'ils doivent respecter leur interdit d'avoir des enfants, d'avoir des animaux, de recevoir plus de 2 invités simultanément, de manger dans leur chambre, de s'absenter plus de 2 jours sans autorisation, etc. En cas de non respect du règlement, un avertissement leur est adressé et, au 3ème avertissement, ils n'ont plus qu'à faire leurs valises. Logée sur place, Inès a d'ailleurs les mêmes obligations ce qui, en principe, lui interdit de loger son fils. Partagée entre son empathie pour les résidents qu'elle a recrutés et son désir d'assurer une existence décente à son fils, Inès, très bien interprétée par Louise Bourgoin, va se confronter tout au long du film à Thomas, le patron de Anti-squat, et surtout à Judith, la sœur de ce dernier, à la tête de l'entreprise propriétaire des locaux "gardés" par Inès et dépourvue du moindre état d'âme. Elle va se confronter aussi à Adam qui ne va pas hésiter à chapitrer sa mère lorsqu'il va s'apercevoir de certaines dérives dans son comportement. Mais là est la grande force du film : montrer que la grande force du système dans lequel nous vivons est malheureusement d'arriver, sans se salir personnellement les mains, à faire exploiter des travailleurs par d'autres travailleurs !