Histoire d’une « bavure »
Pour peu qu’on ait plus de 40 ans, on se souvient forcément de l’affaire Malik Oussekine qui va secouer la France durant plusieurs semaines. Rachid Bouchareb a décidé de s’emparer de cette page peu glorieuse de notre Histoire. Mais ces 92 minutes cachent d’autres sujets plus inattendus. La nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est mort à la suite d’une intervention de la police, alors que Paris était secoué par des manifestations estudiantines contre une nouvelle réforme de l’éducation. Le ministère de l’intérieur est d’autant plus enclin à étouffer cette affaire, qu’un autre français d’origine algérienne a été tué la même nuit par un officier de police. Un beau film à la réalisation novatrice et qui malgré son triple sujet ne nous perd pas en route. Bravo !
Le talent et l’engagement de Rachid Bouchareb avaient éclaté en 2006 avec l’incomparable Indigènes qui n’était pas passé inaperçu à Cannes puisque le jury avait Le jury a décerné un prix d'interprétation collectif aux cinq acteurs principaux : Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan. Depuis, sa filmographie nous a offert quelques bons moments – à part en 2019, le navrant Flic de Belleville -. Incontestablement, Nos frangins reste ce qu’il y a de plus abouti dans son œuvre. Triple sujet, car, outre l’affaire Oussekine, à travers le personnage de fiction du commissaire de l’IGPN, on fait un parallèle avec la mort beaucoup moins médiatisée de ce jeune algérien assassiné par un flic ivre. C’est passionnant et très réussi car, à part les remarquables performances de tout le casting, la réalisation mêle avec beaucoup de maestria les images d’archives et les plans tournés aujourd’hui, mais avec des moyens techniques des années 80. L’illusion est totale. Un film important et intergénérationnel. A voir pour que la mémoire ne s’éteigne jamais.
A l’affiche on trouve que du bon et même du très bon avec Reda Kateb, Lyna Khoudri, Samir Guesmi, Raphaël Personnaz, Laïs Salamé, et beaucoup d’autres. Malgré le slogan, Plus jamais ça, resté dans toute les mémoires, ce drame est contemporain, et, hélas, toujours d’actualité. Le titre est inspiré de la chanson de Renaud, Petite, que l'on entend à la fin du film, où il parle de Malik et Abdel nos frangins qui tombent. Un film militant d’une grande efficacité qui se focalise sur les angles morts de l’actualité à propos des victimes oubliées. Un réquisitoire implacable.