Avant de s'appeler Borgo (le nom de la prison Corse), le film s’est intitulé Ibiza (le surnom donné au personnage féminin principal). Le réalisateur Stéphane Demoustier explique : "Borgo était le tout premier titre, celui qui a accompagné l’écriture du film. On en a ensuite testé plusieurs, dont Ibiza qui a été le titre utilisé pendant le tournage. L’origine tient un peu aux deux : j’avais depuis longtemps envie de faire un film sur la Corse. C’est un endroit qui me fascine autant qu’il m’échappe. Reste qu’il me fallait une porte d’entrée, je devais trouver le moyen d’aborder la réalité corse de mon point de vue de Continental."
L'attention de Stéphane Demoustier s’est rapidement portée sur cette matonne dont il a découvert l’histoire dans la presse : une femme surveillante pénitentiaire – en Corse depuis peu – qui s’est retrouvée impliquée dans un règlement de compte entre bandes rivales : "La matonne avait eu à désigner « la cible » alors qu’elle arrivait à l’aéroport de Poretta, tâche dont elle s’est acquittée en donnant un baiser à la future victime. J’ai souhaité m’inspirer des faits réels tout en prenant le parti de créer des personnages de fiction à 100%, en laissant de côté le point de vue des criminels et concentrant mon récit sur le destin d’une surveillante pénitentiaire."
La matonne du fait divers a agi comme un déclencheur pour l'histoire de Borgo, mais Stéphane Demoustier n'a pas voulu en dresser le portrait ni faire celui du milieu qu’elle a côtoyé. "Je n’ai mené aucune recherche en ce sens. Bien au contraire, tout mon travail lors de l’écriture puis au tournage – qui s’est déroulé en Corse à Ajaccio et dans ses environs – a consisté à prendre mes distances par rapport au fait divers tout en me rapprochant d’un personnage fictif tel que je me le représente, personnage en prise directe avec cette question qui traverse le film : comment peut-on en quelques mois seulement passer d’un quotidien ordinaire à celui d’une criminelle ? Borgo essaie de sonder ce basculement, ou plutôt ce glissement", confie le cinéaste.
Dans la peau de Saveriu, ce détenu influent qui place le personnage de Hafsia Herzi sous sa protection, nous retrouvons Louis Memmi. Ce jeune acteur corse trouve pour l'occasion son premier rôle dans un long métrage, après avoir joué dans plusieurs courts, dont le remarqué Un animal.
La prison de Borgo existe et se trouve au nord de la Corse : "Je me suis inspiré de l’Unité 2 de Borgo, qu’on dit comparable à aucune autre. Elle fonctionne en régime ouvert et elle a la spécificité de n’accueillir que des Corses. On dit qu’à Borgo la rivalité des bandes est mise de côté le temps de l’incarcération. Tout comme l’on dit aussi - comme le précise un moment la directrice, jouée par Florence Loiret- Caille, citant un article de presse - que là-bas « ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». Beaucoup d’anecdotes m’ont été racontées sur les usages de cette prison, tout n’a pas pu figurer dans Borgo."
Hafsia Herzi avait déjà goûté à l'univers carcéral dans À l'ombre des filles, où elle campait une détenue s'adonnant aux joies du chant.
Stéphane Demoustier a pu s'appuyer sur une directrice de casting, Julie Allione, qui est corse mais vit à Paris. Le leitmotiv était de trouver des acteurs, confirmés ou amateurs, qui aient la même part de vérité : "Impossible de prendre donc des Parisiens qui auraient joué des Corses. Mais l’enjeu restait de trouver une actrice qui ait suffisamment d’autorité face aux prisonniers ; qui soit à la hauteur de l’authenticité des acteurs corses. Il nous a semblé évident qu’Hafsia Herzi avait cette force. Elle ne sait jouer qu’en étant vraie, elle ne triche jamais. Elle pouvait rentrer totalement dans la réalité sociale du film. Une de ses amies d’enfance est surveillante pénitentiaire. Elle m’a dit « je connais ces gens » ; elle s’en sentait familière", note le réalisateur.
À toutes les étapes, y compris l’écriture, Djibril, le mari de l’héroïne, a été le personnage le plus difficile à créer : comme Melissa le délaisse, il y avait le risque que l’histoire en fasse de même. Stéphane Demoustier voulait donc trouver un acteur qui, en très peu de scènes, puisse créer une empathie : "Moussa a ça. De plus, il prend en charge la plupart des scènes avec les enfants. Quand je dirige ce type de séquences, je dois nécessairement m’appuyer sur les acteurs adultes. Moussa a l’art d’être généreux, de savoir spontanément laisser un espace aux enfants."
"Par ailleurs, ça m’intéressait de prendre un acteur noir, autant pour les raisons sociologiques évoquées plus haut, que pour l’altérité du personnage dans la réalité corse. Le personnage est parfois malmené mais je ne voulais pas d’un personnage misérabiliste, de quelqu’un qu’il aurait fallu plaindre."