Stéphane Demoustier est un réalisateur trop rare, parti sur un mauvais pied avec un premier film, Terre Battue, complètement boudé par le public, pourtant très intéressant. Une fois encore, le réalisateur s’inspire d’un fait divers intervenu en 2017, en Corse, pour tisser les mailles de son drame. Le fait divers a de quoi interpeller. Une surveillante pénitentiaire, récemment arrivée en Corse,
va se retrouver impliquée dans un règlement de comptes entre factions rivales. Elle va à l’aéroport pour désigner par un baiser la victime à son assassin… Un rôle pour lequel elle sera rémunérée et pas punie. C’est donc le rôle de Judas qu’incarne à l’écran Hafsia Herzi.
Quelles sont les engrenages qui conduisent Judas à son baiser de traître ? Voici donc où nous conduit tout le scénario, sur fond de mafia corse.
Deux brillantes idées de scénario, à mon sens, permettent au film de vraiment creuser son sujet. Premièrement, dès la scène d’ouverture (la scène où Mélissa visite la prison pour la première fois), elle croise Saveriù, le visage souriant et juvénile de la mafia corse, et elle le reconnaît de Fleury, où elle travaillait naguère. Cette ellipse permet de gagner un temps fou sur l’amorçage de la complicité, et de pouvoir se concentrer sur la montée en puissance de l’ambiguïté. Deuxième idée géniale : dès le début, Valeriu lui annonce qu’étant tombé une première fois à cause de son téléphone portable, il n’en a plus. Cela permet d’installer dès le début le principe que le drame se fera sans technologie, dans une Corse millénaire qui semble échapper au continent et à la modernité. Cela permet d’autant mieux de comprendre que le parrain corse, on ne trouve pas sa photo sur internet, et de
devoir rejouer la scène immémoriale du baiser de Judas.
Bien entendu, l’absence de portable ne sera pas une échappatoire pour le personnage central du drame. « L’île, elle est toute petite », « Je te regarde « , « Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». Melissa est cernée de toute part par ses pressants alliés. Beaucoup plus efficace pour le climat du film que de recevoir un SMS du parrain…