Gloria s’occupe de Cléo. A l’annonce du décès de sa mère, elle doit brutalement rentrer dans son île Capverdienne de Santiago. Bien qu’elle fasse à Cléo la promesse de se revoir, elle sait qu’elle ne reviendra pas. De concert avec le papa, elle accepte de recevoir Cléo parmi les siens, derniers jours d’un été ensemble, le temps de se dire au revoir.
En France, les films d’été sont un genre de cinéma associé aux films d’apprentissage. Ama Gloria n’y échappe pas. Si ce n’est que l’apprentissage ici est celui de la séparation, de celle qui s’associe au deuil d’un amour qui remplit le quotidien. Comment se séparer, quand on occupe tout l’espace dans la vie l’une de l’autre, et que l’on vit sous des latitudes et conditions de vie complètement différentes…
Gloria doit désormais s’occuper de ses propres enfants, jusqu’alors confiés à sa défunte mère, qu’elle ne connait pas. Mère de substitution, elle doit faire le deuil d’une enfant qui n’est pas la sienne, dont elle s’occupe pour permettre aux siens de survivre. Et pour Cléo, Gloria sa nounou, occupe tout l’espace de ses plus lointains souvenirs. Elle doit faire un double deuil en Gloria.
Le film porte en lui les imperfections d’une réalisation un peu appliquée et d’une mise en scène très linéaire. Mais il véhicule aussi une grande fraîcheur. La caméra sensible de la réalisatrice capte les émotions brutes au plus près des visages avec beaucoup d’authenticité. Le spectateur ne se trouve jamais pris en otage émotionnellement, ce qui eut été facile avec une jeune actrice si photogénique. La bouille de la fillette dont les dents de lait viennent de tomber avec son regard de myope dissimulé derrière ses grosses lunettes, aurait pu suffire à donner au film un charme fou. Cela aurait été sans compter sur ses qualités d’interprétation. Si un prix dédié aux enfants était remis, elle aurait pu être récompensée, en lice avec le jeune Milo Machado Graner d’ « Anatomie d’une chute ».
L’intrigue est construite à hauteur d’enfant et le choix des animations douces et colorées qui entrecoupent les scènes, saisissent bien les émotions de la fillette. Elles contribuent à rythmer le film qui eut été sinon un peu trop sage. Il s’en dégage une forme de poésie.
On sent du vécu dans cette histoire intime portée à l’écran et dans l’interprétation d’Ilça Morenzo Zego qui donne magnifiquement le change au très beau personnage de Gloria. Femme-courage dont les traits placides se substituent au visage de Cléo, facilement déformé par les émotions qui la submergent. C’est le contraste des deux visages, alternativement serrés dans des gros plans, qui se révèlent l’un à l’autre, dans l’intensité des bouleversements qui les traversent. C’est là, toute la beauté du travail de la réalisatrice, de ne pas céder à la facilité qui pourraient contraindre l’expression des sentiments, mais de s’en tenir aux images pour saisir les ressentis. Elle fait par ailleurs l’économie des paysages de cartes postales pour se concentrer sur les préoccupations enfantines et adolescentes, sous le regard adulte et bienveillant de Gloria.
Ama Gloria est un film qui nous serre le cœur à la fin de l’été.