Deux récompenses logiques.
En effet, comment peut-on dissocier le Meilleur Réalisateur du Meilleur Film ?
Si l’académie des Césars décerne un Meilleur film, pourquoi trouver un autre Meilleur Réalisateur ?
Par exemple :
«Jusqu’à la garde » Meilleur Film alors que Jacques Audiard Meilleur Réalisateur pour « Les frères Sisters »
« Les Misérables » Meilleur Film alors que Roman Polanski Meilleur Réalisateur pour « J’accuse ».
Comme une impression de vouloir ménager l’égo de l’un et l’autre.
Si le film est récompensé, c’est grâce au réalisateur, non ?
Si le réalisateur est récompensé, on récompense par là-même son film, non ?
« Vénus Beauté (Institut) » Tonie Marshall double récompense logique.
« The Artist » de Michel Hazanavicius, idem.
Par contre, on peut ne pas trouver logique la double récompense qui auréole « Anatomie d’une chute » après visionnage.
Et on peut accepter la logique même si on n’apprécie pas le film !
Toutes ces pincettes m’amènent à écrire que « Anatomie d’une chute » ne m’a pas enchanté contrairement à la grande majorité des votants dans le monde puisqu’il séduit au-delà de nos frontières et c’est tant mieux.
En attendais-je trop ? Sans doute.
Pourtant, contrairement à certains films, je n’étais animé d’aucune impatience.
Je pourrais développer plusieurs raisons à cette morosité mais ce serait passer pour un pinailleur primaire.
Pour commencer, je ne suis pas fan des films de procès qui est un genre à lui seul.
J’ai souvent tendance à décrocher.
Cependant toute règle a une exception pour la confirmer : le seul film de procès qui m’a tenu en haleine remonte à loin : « Témoin à charge » de Billy Wilder.
J’avais apprécié le procès dans «Les Choses humaines». Sous la direction d’Yvan Attal, la caméra se braquait exclusivement sur les avocats et les jurés. Ainsi, il considérait les spectateurs de son film comme jurés.
Mais ce procès ne constituait pas l’essentiel du film même s’il était essentiel !
Une autre raison : la langue.
Moi qui ne jure que par la V.O, j’étais servi. Tout était respecté.
Au début du procès, on spécifie bien que la suspecte ne doit s’exprimer qu’en français.
Toutefois, pour une raison exceptionnelle, elle demande à s’exprimer en anglais. Je le comprends.
La cour s’agite pour entendre la traductrice sur laquelle la caméra fait un plan afin de crédibiliser la situation.
Seulement, ce qui devait être de l’ordre de l’exceptionnel, du provisoire, devient la norme pour les jours suivants et jusqu’à la fin des débats !
Ainsi, comme si de rien n’était, la cour et la suspecte échangent en deux langues très spontanément : questions en français, réponses en anglais.
Quant au public, soit il est bilingue, soit il fait avec.
Un procès n’est pas un spectacle, on ne paie pas sa place, il n’y a aucune obligation à venir. La cour n’a pas à se soucier de cette vétille que je relève.
Oserais-je penser que Justine Triet et la production envisageaient une diffusion internationale ?
Quand bien même, il n’y a pas de mal à ça.
Mais le point essentiel à ma morosité s’appelle « manque d’émotion ».
Eh oui, je n’ai pas compatis au sort de Sandra, encore moins de son fils.
Il y a de bonnes idées de mise en scène, les dialogues sont de bonnes factures, et l’interprétation de Sandra Hüller est très convaincante. Au tribunal, je salue les prestations naturelles de l’avocat général (Antoine Reinartz) et des témoins convoqués à la barre.
Justine Triet est une efficace directrice d’acteurs.
Oui, elle décortique la chute d’un coupe à travers la chute mortelle du mari de Sandra.
Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?!
Son dispositif pour traduire un conflit conjugal est assez périlleux et apparemment s’en sort très bien puisque son film est multi récompensé. Même si ledit dispositif m’a capté et pas toujours convaincu
comme la scène flash-back enregistré sous mobile
, je suis resté à distance et me suis aperçu que j’ai vécu son récit sans enthousiasme.
Justement, j’aurais aimé partager l’enthousiasme de tous ceux qui ont encensé « Anatomie d’une chute ».
Dois-je m’en désolé pour autant ?