Un très grand film, qui fera date et qui continuera de glaner les plus grandes récompenses , sans doute jusqu’aux oscars, tant il est réussi. À la fois subtil et puissant, ce récit nous parle d’une double chute : celle d’un corps, mais aussi et surtout celle d’un couple qui se désagrège lentement après un drame familial, et que la caméra de la réalisatrice va ausculter, radiographier, autopsier avec subtilité. Justine Triet signe avec son compagnon Arthur Harari ( réalisateur du magnifique Onoda) un scénario d’une force et d’une densité rares. Des les premières minutes, celles du pré générique, on sent qu’on s’embarque dans un récit qui va nous troubler, nous surprendre , nous déranger. Les dialogues sont remarquablement ciselés, pas un mot de trop, pas une ligne de texte qui ne soit essentielle au déroulement de l’action, tout est terriblement dense, précis et tendu, de même que la direction d’acteurs ( un casting remarquable jusque dans le moindre second role)
Enfin la réalisation, d’une précision époustouflante, finit de nous prendre au cœur, aux tripes et au cerveau. Ce qui nous vaut des scènes extraordinairement filmées, telle que l’ouverture, la scène étonnante du père au volant, celle du chien, tous les échanges entre Sandra Huller et Swan Arnaud, porteurs d’un peu de tendresse et d’humanité, le visage grave et bouleversant de cet enfant, et bien sûr toute la scène du procès, bien loin des archétypes du cinéma américain, sans artifice, mais qui nous captive, nous fait douter , nous interroger, nous dérouter. Et au milieu de ce magnifique écrin brille le personnage de cette anti héroïne, prise au piège de cette langue qu’elle maîtrise mal, de ce couple qui se désagrège, de cette morale qui lui rabote les ailes, de cette bataille pour conserver la confiance de son enfant. Elle est bien sûr incarnée avec son habituel talent par l’immense Sandra Huller, sans doute une des plus grandes comédiennes européennes depuis sa prestation dans Toni Erdman.
Courez voir ce film unique, qui conjugue réflexion et émotion comme rarement.