J'ai surmonté mon dégoût face à Justine Triet et à son odieux et ingrat discours à Cannes, il m'a fallu être fort, et je me suis donc rendu au cinéma pour votre Anatomie d'une chute...
Et c'est pas mal... presque la jouissance esthétique (en tous cas c'est mieux que la palme de l'an dernier)
Anatomie d'une chute, comme les autres films de Triet arrive à capter quelque chose du couple et à jouer avec ses codes, ses conventions sociales et propose finalement quelque chose de moins manichéen que ce que l'on peut voir d'habitude. Disons qu'on n'a pas la pauvre femme qui est une victime de son mari carriériste et que là la personne suspectée de meurtre sur son conjoint c'est justement la femme. Il n'y a pas de misérabilisme, alors que tout était là pour ça au départ (l'enfant aveugle, la femme accablée par la justice et son mari jaloux...)
Les personnages sont donc ambiguës, on ne sait pas trop si c'est du lard ou du cochon, le point de vue du mari et celui de la femme se défendent et il n'y a pas vraiment de gentil et de méchant. Tous les deux ont leurs torts.
Et l'autre aspect positif du film c'est que les personnages gardent ce trouble, il y a certes une résolution qui est assez claire, mais elle ne dit pas tout (même si je pense qu'elle aurait dû en dire moins). On n'a pas une séquence flashback qui raconte le tout et qui t'explique noir sur blanc : voilà ce qui s'est passé. Il y a assez de dialogues, de choses étranges pour qu'on puisse continuer à se dire : ah mais peut-être que...
Les acteurs sont très bons, c'est un plaisir de revoir Sandra Hüller après Toni Erdmann, j'aime beaucoup Antoine Reinartz qui contrairement à ce que j'ai pu lire n'a pas tant un rôle de salaud que ça, au contraire je pense qu'il aurait pu être plus fourbe que ça.
Celui que j'ai trouvé un peu en retrait comparé aux autres c'est Swann Arlaud dont j'aurais aimé sentir plus qu'il a été amoureux et que ça ne soit pas révélé dans un dialogue, qu'on puisse se demander ce qu'il cherche là dedans. Bref qu'on développe un peu plus son personnage.
Mais disons que dans la dissection du couple, c'est assez brillant, surtout que c'est fait dans un procès où forcément la moindre phrase dite trop forte sous le coup de l'énervement est répétée, amplifiée, vidée de son contexte pour finalement sembler horrible.
Après, je trouve que la partie filme de procès est peut-être plus classique, on a un dernier témoignage qui sort un peu de nulle part qui change la donne...
Mais surtout ce qui me perturbe (sans que ça soit un défaut) c'est qu'on a un argument très fort sur l'innocence de l'héroïne qui n'est quasiment plus réabordé c'est l'argument purement physique de comment doit être placé la victime pour laisser des taches de sang à un endroit bien précis et qui ont une forme bien précise. Disons qu'on voit bien que ça semble compliqué pour l'héroïne de réussir à mettre son mari dans cette position et de la frapper en même temps, le tout sans tomber. Et donc j'étais convaincu de l'innocence de la femme très tôt dans le film, c'est pas possible physiquement (enfin "improbable").
Et donc on se retrouve à passer la vie du couple au peigne fin pour un meurtre qui n'est pas possible... Forcément ça dit là quelque chose de l'appareil judiciaire et de son voyeurisme.
Mais disons que j'aurais aimé que le film prenne plus de libertés narratives, qu'on soit moins dans un schéma connu des films de procès. Surtout que juste après j'ai vu Le procès Goldman, qui lui avait un parti pris radical dans sa mise en scène, sa photographie, son jeu d'acteur (et avec le mari de Triet et coscénariste d'Anatomie qui joue l'avocat de Goldman...)