«Un film aussi rigoureux que possible» disait Bresson de son «Procès...». Difficile d'imaginer une mise en scène plus exigeante, une grammaire plus stricte et suivie sans écarts, un cinéma plus loin de la séduction et du compromis. Faut-il parler d'un style? En un sens le «Procès» peut être considéré comme la recherche d'un « non-style ». En effet, il se caractérise par un dépouillement et une simplicité maximum, tant au niveau des plans que du jeu des «acteurs» -qui ne le sont pas: pour jouer la pucelle, une fille vierge au cinéma- quant au texte, il ne provient que du procès de condamnation. Il ne s'agit pas de dramatiser ou romancer, mais de présenter. Pour autant, on est loin d'une forme documentaire, qui prétendrait exposer comme empiriquement son objet; il faudrait alors faire droit à du contingent, varier les points de vue. L'effort est d'exposer, pour ainsi dire, le procès dans son essence, c'est à dire sa lettre (paroles échangées et consignées), et les parties en jeu, directement (Jeanne, ses juges, l'Eglise, les anglais) et indirectement (Isambart et surtout l'ordre supérieur dont Jeanne se réclame: Dieu et ses saints). Pour cela, Bresson choisit une mise en scène d'une sobriété telle qu'elle peut, pour la plus grande partie du film, se résumer ainsi: un triangle est constitué, qui a pour sommets Jeanne, ses juges, le témoin de leur face à face. Ce témoin c'est le spectateur devant qui se répètent les champs-contrechamps filmés de trois-quart (d'où le triangle), ou c'est, aussi bien, Dieu (cf. P.Arnaud, «Robert Bresson»). C'est en tout cas un oeil pour lequel la foi, voire la vérité, ne peuvent être reconnus que comme étant du côté de Jeanne. Sinon, plans d'escaliers, de murs, structures cloisonnées. Et, parce que comme le Christ, Jeanne n'est pas qu'âme et parole, quelques plongées qui par leur isolement font exister avec d'autant plus de force leurs objets: les reliefs d'un mauvais repas, un drap pudiquement tiré, les pas de Jeanne vers le bûcher.