Dernier film américain de Fritz Lang, L'invraisemblable vérité s'avère être un film somme de la réflexion du réalisateur sur la justice : sans jamais la condamner bêtement, il en montre les rouages et les défauts. Le film montre les dangers de la subjectivité qui empêche le jugement, et témoigne d'une impossible objectivité, car la réalité est toujours trop invraisemblable pour être soupçonnée. Lang joue sur cette idée d'invraisemblable, d'irrationnel, multipliant les rebondissements improbables dans les dernières minutes. Tout cela est passionnant, mais on regrettera que L'invraisemblable vérité ne soit plus qu'un débat d'idée, la mise en scène d'une thèse - ou plutôt d'une réflexion, le film posant des questions sans toutefois donner de réponse dogmatique. Omnubilé par son sujet (ce qui est compréhensible, Lang ayant été soupçonné du meurtre de sa première femme à l'aide de sa maîtresse d'alors, Thea von Harbou), le réalisateur délaisse la forme, tant au niveau du suspense, de la tension, ne réduisant celle-ci qu'à des "twists" qui viennent parsemer l'intrigue - offrant d'ailleurs une méchante inégalité : les deux tiers du films trop prévisibles, le dernier tiers complètement imprévisible - d'autre part au niveau esthétique, se contentant d'une mise en scène classique, bien que parfaitement huilée. Donc, bien que L'invraisemblable vérité soit l'ultime vision du procès par Lang, sorte d'oeuvre testamentaire en guise d'adieu aux Etat-Unis, et un retour à ce thème de la justice qu'il avait abandonné depuis You and me (1938), le film souffre d'un manque non négligeable de tension. Trop réfléchit, froid, distant, intellectuel, l'oeuvre ne parvient pas à émouvoir ou frapper le spectateur, le retourner comme Lang avait su le faire avec force lors de film puissants et audacieux. Ici, comment croire au couple Joan Fontaine-Dana Andrews?(..)Néanmoins, la base de l'intrigue est si forte qu'elle suffit à maintenir notre attention éveillée, et le film se voit sans difficulté.