Âgé de 76 ans en 2022, Steven Spielberg, sans doute aucun, le réalisateur le plus rentable de l’histoire d’Hollywood, aura dû attendre son 33ème long métrage pour connaître son premier échec public. « West Side Story » (2021), remake de l’indépassable film de Robert Wise (sorti sur les écrans en 1961) est en effet à ce jour le seul film du réalisateur à ne pas être rentré dans ses frais. En 1983, Steven Spielberg est encore un jeune réalisateur mais ses six premiers films ont déjà contribué à révolutionner l’industrie du cinéma hollywoodien avec la naissance du « blockbuster ». Il est accompagné dans sa démarche par son ami George Lucas, réalisateur de « La guerre des étoiles » en 1977 et scénariste des « Aventuriers de l’Arche perdue » (1981). Les deux hommes se sont également impliqués très tôt dans la production. Spielberg avec Amblin Production, met le pied à l’étrier à de jeunes réalisateurs de sa génération comme Joe Dante ou Robert Zemeckis qui n’ont pas eu comme lui des débuts fulgurants. Produisant en parallèle les films de Spielberg, la société est à ce jour encore en activité. Après « Duel » et « Les dents de la mer » qui ont été d’énormes succès en raison de la nouveauté apportée dans l’approche de l’angoisse sur grand écran, celui qui était alors vu comme un jeune prodige tout à la fois mainstream et révolutionnaire est devenu presque intouchable. Avec « Rencontre du troisième type » et « Les aventuriers de l’Arche perdue », il fait montre en sus d’un éclectisme auquel il ne renoncera jamais même si toutes ses tentatives n’auront pas le même impact public et critique. Sur le plateau de « Rencontre du troisième type » (1977), François Truffaut qui joue dans le film, conseille au jeune réalisateur qui envisage de mettre en scène un film plus noir avec des aliens agressifs, de plutôt faire un film avec des enfants. L’idée première, pas abandonnée pour autant, sera confiée à Tobe Hooper qui réalisera « Poltergeist » pendant que Steven Spielberg creuse l’idée d’un film avec des enfants en contact avec de gentils aliens. Le scénario finit par tomber dans les mains de Melissa Mathison alors la compagne d’Harrison Ford avec lequel Spielberg tourne la première des aventures d’Indiana Jones. L’idée générale du film repose sur
l’amitié qui se noue entre un jeune garçon et un extra-terrestre qu’une mission de reconnaissance pacifique a oublié par erreur sur la Terre
. Plus tard, Melissa Mathison sera accusée par l’écrivaine française Yvette de Fonclare d’avoir plagié le scénario qu’elle avait envoyé à Disney en février 1981, alors que Mathison y était en poste. De son côté, Spielberg explique l'aspect autobiographique du film par la similitude de caractère du jeune Elliot (Henry Thomas) avec celui qu’il était à la même période, soit un enfant timide et solitaire de parents divorcés qui s’inventa un ami imaginaire pour pallier son manque d’assurance et d’affection. Quoiqu’il en soit, le film qui fut longtemps classé comme le plus rentable de l’histoire est une totale réussite qui opère encore quarante ans après sa sortie en salle. Le principal atout de Spielberg en dehors d’une parfaite maîtrise technique est de savoir comment raconter une histoire et de savoir choisir les comédiens pour l’incarner selon sa vision qui, on le sait, est teintée d’un humanisme parfois naïf voire qualifié de béat par une certaine critique qui goûte davantage aux sujets à fort impact dramatique abordés plus frontalement. Il en faut pour tous les goûts et apprécier les deux approches n’est pas automatiquement le signe d’un attardement mental. Revoir Elliot en compagnie de son ami E.T en ce début de ce XXIème siècle fort mal engagé, fait peut-être chaud cœur mais rappelle aussi que la violence de l’homme quand il ne comprend pas ne pas comprendre est souvent dévastatrice.
La traque qui s’engage alors fait très vite comprendre au petit être sans défense qu’il doit se protéger des adultes de la race humaine qui ne reculeront devant rien pour lui mettre le grapin dessus
. C’est donc chez un enfant qu’il va trouver refuge pour une aventure rocambolesque et drolatique impliquant toute la fratrie que Spielberg parsème de moments émouvants certes parfois un peu faciles mais tout de même très efficaces. La scène des vélos montant dans le ciel avec E.T sur le porte-bagages-avant de celui d’Elliot est toujours aussi enthousiasmante et immersive. A noter que le réalisateur réserve à chacun des trois frères et sœurs leur contribution au sauvetage d’E.T . Encore optimiste en cette période de son existence (il le sera moins par la suite), le jeune réalisateur concocte
une fin œcuménique dont on sait très bien
qu’elle ne serait pas celle-là dans la vraie vie. Un film que l’on peut sans hésiter montrer aux enfants d’aujourd’hui un peu trop nourris aux comics et autres réseaux sociaux qui pour le coup sont beaucoup moins angéliques.