Steven Spielberg innove dans une conduite très personnelle, où il nous replonge non pas dans les années 80, ou pas que. Il nous invite essentiellement à redécouvrir l’enfance. C’est pourquoi il valorise sa lecture du point de vue d’enfants, dont le seul lien qu’ils partagent reste la famille ou bien alors cet individu exceptionnel que l’on affectionne par bien des aspects. On parle bien d’E.T., avec simplicité, à partir d’un regard neuf et décomplexé, car l’enfant ne cherche pas à distinguer le bien du mal comme les adultes. Ces derniers se contentent d’une curiosité, tantôt naïve, tantôt courageuse. C’est à partir de ce constat que l’on progresse peu à peu vers la maturité. Canaliser ses émotions, avoir le recul sur la différence et l’objectivité, voilà ce que traite le phénomène culturel de l’artiste américain.
Les êtres venus d’ailleurs sont encore des débats ouverts, mais lorsqu’on nous propose de rêver, on ne refuse guère, qu’importe le prétexte. On étudie la menace venue d’ailleurs, et pourtant, ce sont les adultes qui font office d’obstacle permanent dans un récit où l’enfant tente revendiquer une forme de liberté. On suit alors Elliot (Henry Thomas), vivant dans une zone pavillonnaire avec sa mère, sa petite sœur et son grand frère. À partir de là, difficile de ne pas comprendre un modèle modulable à volonté pour le metteur en scène. Le lieu se prête à un secteur conformiste et intimiste pour ses occupants. On joue sur le décor qui nous est familier afin de générer la plus belle des merveilles, en passant bien entendu par la surprise et un soupçon d’angoisse. Rien qui ne puisse réellement nous effrayer, si ce n’est qu’on l’on recherche d’abord à apprécier l’intérieur d’un être avant d’en décortiquer le physique, nuancé selon les observateurs. E.T. se révèle être un être doté d’une grande sensibilité et dont on ne peut comprendre qu’en laissant la rigidité de l’adulte en nous. Il est donc nécessaire de s’investir dans une relation qui centralise tout un propos symbolique.
Il existe alors une profonde connexion entre les deux protagonistes, qui apprennent peu à peu à ressentir leurs émotions respectives, jusqu’à finalement partager les mêmes motivations. Ces derniers souffrent d’un mal-être lié à la solitude, du fait de leur condition. Les deux éprouvent l’abandon, mais ils parviendront à combler ce vide d’une manière ou d’une autre. La rupture se fait alors lentement dans leur manière de penser et d’agir, toujours avec innocence. Cela tend à évoluer, mais avec une expérience partagée avec des amis. Les enfants demeurent intouchables, bien qu’on ne se prive pas de les malmener psychologiquement. Cela devrait en affecter peu du fait de leur manque d’expérience, comme dirait l’ancien. De ce fait, qui manque réellement d'expérience lorsqu’il n’est pas maître de sa sensibilité ? L’adulte est détenteur d’illusion, sans que ses clés ne lui apportent une réponse satisfaisante. Une teneur biblique peut justifier la nature de l’apparition d’E.T. et ses congénères sur Terre. Et c’est grâce à cette initiative et l’intelligence du scénario que les humains peuvent devenir meilleurs.
En plus de toucher un statut d’œuvre culte avec le temps, « E.T. l’Extra-Terrestre » marque un passage clé de la filmographie de Spielberg. Loin de l’idée d’ovni générationnelle, le réalisateur offre enfin le caractère autobiographique avec la sincérité que l’on attendait de lui. Après « Les Dents de la Mer », « Rencontres du 3ème Type » et « Les Aventuriers de l’Arche Perdue », Spielberg et sa scénariste Melissa Mathison poursuivent sur une lancée hallucinante de divertissements à succès. Mais il ne faut pas retenir cela en tant que pari commercial, il faut également se résoudre à approcher la notion de maturité avec justesse et on y parvient ici même. Le récit est enjolivé d’une aventure épique et fantastique, où une perpétuelle course-poursuite se dresse entre la peur d’oublier et la peur de grandir.