Touré Inza Junior, aka Bourgeois, a quitté la Côte d’Ivoire. Après avoir traversé le désert, l’enfer des camps de réfugiés en Libye, et surtout avoir survécu à la traversée de la Méditerranée, où des milliers de personnes ont péri, le jeune homme vit en Italie. Mais dans le « campo », centre pour demandeurs d’asile qui l’héberge, il se sent à l’étroit et rêve de la France où vit une de ses fiancées. Pour y aller, il est prêt à tout entreprendre, quitte à mettre une nouvelle fois sa vie en danger. Traverser a le souffle d’une fiction bien ficelée, et pourtant c’est un documentaire. Les personnages jouent leur propre rôle en confiance, en intimité, coincés dans l’attente qui joue avec leurs nerfs. Leurs rires et leurs engueulades passent via le smartphone, leur monde est connecté en permanence à la famille laissée derrière. Au cours des repas partagés, la conversation égraine les aventures vécues, l’espoir, les désillusions, la géopolitique qui marque la chair... Sous le regard complice du cinéaste, Bourgeois dévoile ses turpitudes sentimentales autant qu’il pleure d’émotion en parlant à sa mère. Il est touchant comme personne.
C’est la première réalisation du jeune Ivoirien Joël Akafou. Ce dernier est actuellement enseignant de cinéma à l’ESCA Ecole Spécialisée du Cinéma et de l’Audiovisuel à Abidjan.
Contrairement à d'autres documentaires comme Tilo Koto ou Partir ?, Traverser ne va justement pas s’intéresser à cette fameuse traverser de l’Afrique jusqu’en Europe. C’est en Italie qu’on va commencer à suivre Bourgeois. Un choix du réalisateur, car il y avait déjà de quoi faire en la matière avec ceux précédemment cité et d’autres encore. Pour rappel, chaque année, il y aurait 700 000 à 800 000 Africains qui émigrent vers l’Europe pour des raisons aussi bien économique, que climatique ou encore à cause des conflits armés. Il est donc toujours pertinent de se pencher sur le sujet.
Joël Akafou va donc ici s’intéresser à la réussite, ou non, du séjour de Bourgeois en Europe. Au départ en Italie, il va rêver d’aller en France bien que le passage puisse être compliqué, car il le fait clandestinement. On va donc voir sa situation en Italie le temps de tenter de passer les Alpes. Il manque réellement une voix off pour nous expliquer plus sur la situation des immigrés en Italie. À travers des échanges téléphoniques de Bourgeois, on arrive à saisir les grandes lignes, mais cela reste quand même extrêmement vague. Dommage, car une prise de recul sur la situation aurait aidé à la compréhension globale.
Le documentaire va plus être axé sur le très sympathique Bourgeois. Il va raconter pourquoi il en est arrivé à quitter son pays natal. Une grande tirade sur les positions de la France en Afrique fait se rendre compte que les jeunes de ces pays savent ce qui se passe. Leur arrivée en Hexagone est tout sauf un hasard. L’emprise de la France aux niveaux politiques et économique empêche de réels développements. Forcément, la corruption n’aide pas. Rapidement, venir en France devient une question de survie tant le travail manque.
Les renseignements qu’on aura seront à travers des conversations de Bourgeois avec d’autres migrants ou sa famille en Côte d’Ivoire. Il est difficile de ne pas s’attacher à lui, car même si on ne le voit pas toujours faire le bon choix (un peu facile à juger bien confortablement dans son siège), sa sincérité est touchante. Les différents interlocuteurs vont apporter une certaine richesse. Ils sont nombreux et heureusement, car quand personne n’intervient, cela peut sembler un peu mou. Pour ceux prenant la peine et le temps d’écouter, cela ne peut être qu’instructif humainement.