Film d'animation, coécrit par Jacques Prévert et Paul Grimault, et réalisé par ce dernier, Le Roi Et L'Oiseau est une très belle œuvre. L'histoire nous fait suivre le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize qui règne en despote mégalomane sur le royaume de Takicardie. Amoureux d'une charmante et modeste bergère qu'il veut épouser sous la contrainte, celle-ci prend la fuite avec un ramoneur qu'elle aime. Les deux tourtereaux sont aidés dans leur entreprise par un oiseau, enjoué et bavard, s'amusant à narguer Sa Majesté. Ce scénario, adapté du conte La Bergère Et Le Ramoneur publié en 1845 par l'écrivain danois Hans Christian Andersen, s'avère prenant à visionner pendant toute sa durée d'une heure et vingt minutes. Ce long-métrage est en réalité une nouvelle version de La Bergère Et Le Ramoneur, premier film d'animation français sorti en 1953, désavoué à l'époque par les deux hommes derrière le projet suite à des divergences avec les producteurs, et reprend donc des séquences et des chansons de son modèle paru vingt-sept ans plus tôt. L'intrigue nous embarque dans une traque sans merci donnant lieu à tout un tas de péripéties. Mais elle sait également prendre le temps de se poser afin d'approfondir son propos. Résultat, le rythme alterne entre moments frénétiques et passages plus calmes. Cela se ressent au niveau de son ambiance tantôt reposante, tantôt stimulante. Le ton se veut à la fois amusant, mignon et triste, en plus de bénéficier d'une certaine aura onirique. Il faut dire que le récit traite de réflexions philosophiques à travers cette fable politique et sociale évoquant la liberté à travers cette lutte contre l'oppresseur représenté par le roi. Des thématiques aussi bien destinées aux enfants qu'aux adultes qui comprendront d'avantage toute la subtilité du propos. Cette mésaventure est portée par des personnages appréciables, à commencer par ce Roi délicieusement agaçant. Celui-ci est volontairement caricatural tout comme les serviteurs qui l'entoure. On sera d'avantage attaché à ceux faisant parti du camp des gentils, que ce soit l'oiseau, la bergère, le ramoneur, et tous ceux qui les soutiennent dans cette épreuve. L'automate géant est pour sa part pris entre deux feux. Tous ces protagonistes entretiennent des relations conflictuelles ou bienveillantes selon leurs rapports. Des échanges procurant quelques petites émotions, même s'ils manquent de sentiments plus forts, soutenus par des dialogues égayants et pertinents écrits par le poète. Sur la forme, la réalisation du cinéaste français se veut qualitative. Surtout, sa mise en scène évolue dans un univers charmant à la faveur d'une très jolie direction artistique. Les personnages ainsi que les environnements avec cet immense palais vertigineux dont la verticalité est très bien exploité et les rues du royaume variés grâce à leur exploration, sont finement dessinés, détaillés et animés. Ce ravissant visuel est en plus accompagné par une somptueuse b.o. signée par le compositeur polonais Wojciech Kilar. Ses compositions, entre mélodies mélancoliques et airs enjoués, sont magnifiques et parfaitement raccord avec les différentes situations et les images. Se mêlent à elles des compositions de Joseph Kosma qui a officié sur la version originelle et qui sont tout aussi belles que celles de son successeur. Cette chasse au couple et au volatile s'achève sur une fin poétique sublime venant mettre un terme à cette grande création artistique. Car oui, Le Roi Et L'Oiseau est un monument du cinéma d'animation qui mérite amplement son statut tant c'est une œuvre mondialement inspirante pour la profession devant à tout prix être admirée par tous les amoureux du septième art.