Le film m’a bousculée et donne à cogiter, c'est ce que j'attends autant d'un documentaire que d'un film de fiction ou encore d'une série.
En revanche, j’ai un ressenti différent sur le fond vs la forme.
Sur le fond, j’ai beaucoup aimé le fait de laisser le spectateur se faire sa propre opinion, ne traiter le sujet que sur un angle et ne pas vouloir en dire trop sur les origines, le parcours, la personnalité de ces hommes, qu’on imagine vaguement, au travers de quelques mots, et renvoyer le spectateur à ses propres croyances, sa propre complexité, ses propres ambiguïtés…
Je trouve très fort le parti pris de mettre en avant de manière brute des les premières minutes les propos tels que « j’aime les pauvres ». Ça veut dire quoi aimer les pauvres ??? On est bousculé, mais on comprend ensuite que, dans la pensée des frères, on est plus proche du vrai, du sacré, « whatever », quand on est pauvre, ce qui nous interroge forcément, nous qui passons tous les jours, gênés, voire dégoûtés, près de pauvres dormant dans la rue, mendiant dans le métro… Ce n’est donc pas le monde au travers des yeux des franciscains dont traite le film, mais un questionnement sur ce que nous voyons du monde.
J’ai adoré le final : « il faut accepter de ne pas savoir ce qu'ont engendré les graines qu’on a semées », belle rodomontade à nous tous, nourris de réussite, de performance, de projets, de possessions, d’expériences…
En revanche, j’ai été un peu gênée par la forme qui m’a parue sembler manquer de force, ne servant pas assez le propos.
Très sensible au montage, j’ai eu le sentiment que le montage n’était pas au service du propos, avec des ruptures de rythme peu compréhensibles du montage, tant dans la longueur des plans que dans l’assemblage du statique et du mouvement.
Pour ce qui est de la musique, en dehors des passages chantés par les frères, si certains l’ont trouvée trop présente, je ne l’ai pour ma part même pas remarquée.
Enfin, pour ce qui est de la photographie, il y a certed une part de subjectivité importante, mais l’esthétique me semble trop linéaire, trop hétérogène, manquant de relief. J’ai (re)vu les choses différemment lorsque j’ai su qu’une caméra spéciale avait été utilisée pour mes intérieurs, mais du coup, j’aurais aimé le comprendre au cours du film, par peut-être un parti pris esthétique différent en intérieur vs l’extérieur, la vie du dehors, le mouvement, ou encore le savoir en générique de fin, avec une petite explication des conditions de tournage. Cela aurait peut-être donné plus d'incarnation à la réalisation.