En bon flibustier qu’il est, Joe Dante détourne brillamment une commande hollywoodienne, remake du "Voyage fantastique" de Richard Fleischer, et livre une réjouissante bizarrerie, mêlant action trépidante et digressions surréalistes, transformant une histoire délirante de science-fiction en étourdissante comédie romantique, et vice-versa. On a souvent dit que Dante était la mauvaise conscience de Spielberg (qui produit le film), voir de tout le cinéma hollywoodien : au requin des "Dents de la mer" répondent les malotrus "Piranhas", à "E.T". les morveux inquiétants de "Gremlins". Son "Aventure intérieure" s’oppose autant aux "Star Wars" de Lucas qu’aux Indiana Jones de Spielberg. L’aventure n’est plus dans des contrées exotiques mais dans l’oreille interne et les vaisseaux sanguins d’un américain moyen, peureux à tendance hypercondriaque. Démultiplications, mutations, régressions : c’est que souvent, chez Dante, tout part du corps. La charge érotique et sexuelle assumée, bien qu’implicite, de cette aventure, l’éloigne du puritanisme spielbergien chez qui le corps ne mute pas car il reste attaché à une indéfectible part d’enfance. Chez Dante, au contraire, le cinéma, les êtres, les corps quittent l’adolescence hollywoodienne pour l’âge adulte et se confrontent de fait à des pulsions destructrices ("Gremlins"), au désenchantement ("Explorers") ou à une confrontation enfin épanouie avec le monde, comme dans cette "Aventure intérieure". Mais ici, adulte ou pas, on reste un freak, un déjanté qui garde une irréductible part de folie. Les personnage de " L’Aventure intérieure" ne vivent pas dans un présent ou un passé hermétique : ils projettent leurs corps vers leur devenir futur, font sans cesse l’expérience de la nouveauté avec laquelle ils ont une relations incroyablement ingénue. C’est ce qui donne une vitalité communicative à ce film au rythme effréné. Truffé de dérapages absurdes (la miniaturisation finale des méchant), de fulgurances poétiques (toutes les séquences à l’intérieur du corps, somptueuses), voir de saillies surréalistes (la découverte de la maternité de l’héroïne, le discours dans la camion frigorifique), "L’Aventure intérieure" n’oublie pas d’être un film d’action trépidant, véritable leçon de mise en scène pour un cinéma hollywoodien survitaminé à l’esbrouffe. Mais ce qui surprend finalement peut-être le plus dans ce film iconoclaste, c’est le caractère audacieux de sa romance. Dante invente en effet un trio amoureux original, puisque l'ex-fiancé de la jolie journaliste (Meg Ryan), le pilote tête brûlée porté sur la bouteille (Dennis Quaid), est injecté dans la fesse du caissier hypocondriaque (Martin Short), qui tombe bien sûr amoureux de la fille. A la fin, l'antihéros a surmonté ses phobies et trouve le courage de suivre les amoureux enfin réconciliés dans le même plan. Dante transforme la comédie du remariage en éloge du ménage à trois. Parce qu'il ne peut rien raconter comme tout le monde, il fallait à Dante une histoire de sous-marin miniature pour en arriver là.