Ce mélodrame romantique et historique a longtemps été considéré comme une référence en France et à l'étranger, mais aussi comme un film culte pour bon nombre d'admiratrice de Charles Boyer - dont on a oublié aujourd'hui l'aura de star internationale (après le succès de Mayerling, il fera l'essentiel de sa carrière aux Etats-Unis, glanant au passage pas moins de 4 citations à l'oscar du meilleur acteur, un record pour un acteur d'origine française) - et de Danielle Darrieux - qui avec ce film obtint le statut de star incontestée du cinéma français alors qu'elle n'avait que 18 ans -. Objectivement l'interprétation de Charles Boyer, et son charisme, en Rodolphe dépressif, révolté et tourmenté, menant une vie de "débauché" dans le but d'attirer l'attention d'un père insensible, s'avère franchement convaincante et émouvante. Bien plus que celle, plus incolore, d'Omar Sharif dans la version de 1968. Le couple romantique qu'il forme avec Danielle Darrieux crève l'écran et s'avère comme un modèle du genre. Pas moins.
Quand on propose le rôle à D.D., c'est une grande vedette de comédies musicales à succès, légères et sans prétentions, où sa fraîcheur et sa gaieté font merveille. A part quelques incursions avant 1936 dans le drame - "Le Domino vert", première réussite de sa collaboration avec son mari Henri Decoin et "Volga en flammes", mélodrame oubliable -, "Mayerling" constitue vraiment la preuve de son talent pour le genre romantique. Son interprétation inspirera nombre d'actrices débutantes les années et les deux décennies qui suivirent, dont Michèle Morgan. Elle aussi, incarne une "Maria Vetsera" plus que crédible, d'autant plus qu'elle a l'âge du rôle pendant le tournage du film. L'authenticité et la profondeur de son jeu d'actrice tranche avec le jeu encore théâtral de beaucoup d'acteurs de l'époque. Sa beauté ne fait que s'ajouter à l'ensemble.
Avec le recul, bien sûr, on pourra critiquer beaucoup de choses de ce film qui a passablement vieilli, mais le duo Boyer-Darrieux (qui se retrouveront dans "Madame de" de Max Ophüls, comme une sorte de continuité...) emporte tout sur son passage et vous vous surprendrez à verser des larmes dans la deuxième partie du film, tellement on croit à l'amour éprouvé par les deux personnages.
Le film, lui, de facture plutôt classique, est doté d'une solide réalisation d'Anatole Litvak, sans véritable ambition formelle, mais totalement maitrisée techniquement surtout dans les scènes d'intimité entre Rodolphe et Maria où la caméra approche le visage des personnages pour mieux faire ressortir leurs émotions. Les belles reconstitutions en studio des décors de palais et de château, ainsi qu'un beau travail sur les costumes et la musique font de l’œuvre un film de qualité honnête, qui sans l'engagement des deux acteurs principaux perdrait de sa superbe et de sa force indéniable. On peut reprocher au film de démarrer assez mollement, et au réalisateur d'avoir trop étiré en longueur la scène du ballet, où Rodolphe et Maria s'échangent des regards langoureux de leurs balcons respectifs. Il faut faire l'effort de passer la première demi heure pour rentrer vraiment dans le vif du sujet. Car cela en vaut le coup. Un joli moment d'intensité romantique en somme.