Voilà donc l’œuvre qui a été choisie par le Canada pour représenter le pays aux Oscars. Et il s’agit une nouvelle fois d’un film québécois, preuve de l’extrême vivacité du cinéma de la Belle Province au sein du pays. « Les Oiseaux ivres » est un long-métrage bourré de qualités, on ne peut le nier, mais il peut aussi décontenancer sur certains aspects et surtout il ne plaira pas à tous les spectateurs. Pas que ce soit une œuvre refermée sur elle-même, opaque ou trop indépendante et pointue mais juste que son côté presque onirique et surtout assez contemplatif ne plaira pas à tout le monde. Et, en effet, si la première heure est plutôt bonne dans l’ensemble, la dernière partie se perd un peu en longueurs et en digressions étranges et inutiles qui peuvent nous perdre. Dommage, surtout qu’on n’avait pas vu une œuvre aux images aussi belles depuis fort fort longtemps.
« Les Oiseaux ivres » se propose de nous conter l’histoire d’un mexicain venu travailler en tant que saisonnier dans une ferme du Québec pour retrouver sa bien-aimée, qu’il pense être à Montréal. Sur ce canevas qui en vaut un autre, le réalisateur Ivan Grbovic va montrer ce qu’est le quotidien de ce type de travailleurs, main-d’œuvre bon marché, tout en auscultant les relations entre les membres de la famille qui possède la ferme. Mais plus que l’aspect social ou dramatique, le cinéaste livre avant tout une œuvre très visuelle et poétique. Un film qui flatte l’œil, nous hypnotise parfois et dans lequel il faut accepter de laisser porter par le tempo lent des journées qui passent. Et pendant longtemps cela fonctionne, on est littéralement envoûtés par la beauté des images bien que le réalisateur ait tendance à étirer ses plans plus que de raison. La direction de la photographie est assurée par Sara Mishara. Levers et couchers de soleil incandescents, plan-séquences originaux ou encore plans de coupe aériens, les images sont incroyablement belles et la lumière et l’éclairage avaient rarement été aussi beaux. Une succession d’images magnifiées et sublimées pour une œuvre picturale qui pourrait presque se suffire à elle-même rien que par son esthétique et ses envolées lyriques somptueuses (de la scène inaugurale dans le désert à celle avec la Formule 1 en passant par celle dans les champs de maïs, on ne compte pas les fulgurances visuelles).
Mais, et il y a un mais de taille à ce déferlement de beauté formelle : c’est parfois trop lent et contemplatif mais, surtout, la dernière partie se perd un peu en allant dans trop de directions. Il y a bien trop de digressions inutiles (par exemple, la scène du local avec les asiatiques et les reproductions de peintures a beau être jolie, elle est strictement inutile, tout comme celle dans la propriété du chef de cartel). Oui c’est beau. Et une séquence de temps en temps ne perturbe pas le récit, mais dans « Les Oiseaux ivres » il y en a bien trop et elles nous donnent l’impression d’un étalage de savoir-faire technique qui ne sert en rien le récit. Quant à la partie sur l’exploitation sexuelle des jeunes filles, elle tire certes un parallèle avec l’exploitation des clandestins mais elle semble appartenir à un autre film. Grbovic voit trop grand et s’éparpille sur trop de sujets au lieu de se concentrer sur le destin de cet immigré et à la limite de la famille de fermiers. De beaux et nombreux thèmes sont en outre évoqués dont l’infidélité ou les rebellions de l’adolescence, mais on frôle l’indigestion pour un seul film. On se consolera donc avec le jeu des passions mis en branle ici et surtout la beauté irradiante des images, que ce soit dans la douceur de scènes rurales et bucoliques ou dans d’autres, plus citadines ou exotiques.
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