C’est l’adaptation de la bande dessinée autobiographique « Deuxième génération : ce que je n’ai pas dit à mon père » (2012), réalisée à 58 ans par Michel KICHKA. Un très beau film sur un sujet difficile mais qui reste sur le fil du rasoir, sans tomber dans le pathos [émouvante démonstration que le tatouage des déportés (n° 177789 pour Henri Kichka) n’est pas un numéro de téléphone] : il montre le point de vue des enfants de déportés et qui ont souffert du silence de leurs parents (surtout les 2 frères Michel et Charly). Leur vie quotidienne n’est pas oubliée : poursuite par d’autres enfants dans les rues, années de pensionnat avec des cours de religions (« Dieu est-il Juif : oui et non »), concert des Beatles à Londres, amours d’adolescents et d’adultes. C’est aussi une réussite graphique (avec des décors très réalistes des années 1960’ à Liège), pédagogique (explication de l’holocauste avec les mots justes) et historique [évocation du procès d’Adolf Eichmann, responsable nazi de la solution finale, qui avait échappé au procès de Nuremberg (1945-1946) et qui, arrêté en Argentine par le Mossad, est condamné à la pendaison en 1962, création des kibboutz en Israël, villages collectifs et démocratiques à vocation agricole). Le côté autobiographique (Michel Kichka a 12 ans au début du film et son père Henri a été déporté à Auschwitz en Pologne) donne encore plus de poids à l’œuvre. Son père, décédé à 94 ans en 2020, a publié ses mémoires (« Une adolescence perdue dans la nuit des camps ») en 2005 (il avait 19 ans à la sortie du camp de Buchenwald). Michel a le sentiment que son père a délaissé ses enfants au profit de sa mission de témoin des camps de la mort nazis (interviews à la télévision, déplacements à Auschwitz et en Israël à l’occasion du 25e anniversaire de la libération des camps). C’est aussi un thème qui tient à cœur la réalisatrice, fille d’émigrés juifs biélorusses et qui avait déjà abordé le sujet à travers 2 films, « Milena » (1991) et « Survivre avec les loups » (2007).