L'archétype du film de gangster. Il convient de se souvenir que les cartons initiaux et la scène où l'on demande à chacun d'agir contre la déliquescence de Chicago ont été ajoutés pour satisfaire la censure.
L'histoire, démarquée de celle d'Al Capone, est somme toute banale: ascension et chute d'un malfrat dans l'univers de la prohibition. Mais elle permet une peinture sociale saisissante, et de part ses aspects annexes ne manque pas d'audace, surtout pour l'époque. Les rapports troubles de Carmonte et de sa sœur, la façon d'agir de la police (surtout l'étonnante scène finale, ou Carmonte sortant de sa maison entièrement cernée, en courant mais désarmé, est abattu sans sommations), les rapports entre les gangsters, tout cela est finement montré, et mérite un satisfécit.
Mais ce film est un film de metteur en scène et de scénariste, c'est dire que l'intrigue est d'une certaine façon mise au service de ces deux protagonistes. Or, s'il y a beaucoup de trouvailles (les jours de l'éphémérides qui défilent au son de la mitraillette, les croix apparaissant à l'occasion de chaque meurtre, Guido Rinaldo lançant et rattrapant sa pièce de monnaie, etc.), leur accumulation finit par nuire à l'ensemble. D'un côté, on se fatigue de certaines répétitions (l'enseigne "the world is yours" montré et remontrée jusqu'au générique final, enchaînement quasi ininterrompu de scènes courtes liées par un fondu au noir), de l'autre l'attention est détournée vers les effets techniques, au détriment de l'action et de l'émotion. (effets d'ombre chinoise, caméra centrée sur la boule au bowling, trop long plan-séquence du début, etc.).
Hawks et Ben Hecht veulent trop prouver leur maîtrise, créant un "film de qualité", au sens ou Truffaut emploiera cette expression bien plus tard pour qualifier le cinéma français d'avant la Nouvelle Vague. C'est dommage; car sans cela le film serait irréprochable.