Une image cristallise toute la beauté d’un geste, d’une émotion ou encore d’un souvenir. Pourtant, il est toujours possible de repousser les frontières de ses interprétations et le cinéaste japonais le démontre avec une sincérité bluffante. Avec ses précédents longs-métrages (Capturing Dad, Her Love Boils Bathwater), qui baignent au crépuscule d’une vie et d’un quotidien familial solide, Ryōta Nakano en appel à notre sourire et notre sensibilité, face à ce cadre intime et en même temps universel. La famille constitue une partition commune à tous, que l’on soit liés par le sang ou non, mais cette affiliation est d’autant plus forte que la douleur est partagée. Il suffira d’observer le premier cliché des Asada pour se rendre compte qu’il n’y aura rien de prévisible, notamment sur le sort du cadet, d’abord voué à une passion, avant de se laisser engloutir par les tréfonds de l’errance.
Et ce petit rappel, qu’on nous insère en début et en fin de projection, nous renvoie à notre propre réalité, car c’est un double jeu qui s’affiche à l’écran. Le spectateur est amené à y projeter son univers, ses cicatrices et sa bonne humeur pour se convaincre de la première chose qui compte, lorsque l’on réussit enfin à réunir différentes personnalités dans une même thématique. Elle peut être issue d’un fantasme, mais également d’une réalité alternative, que l’on s’accorde simplement pour le jeu de la pose ou la saveur unique d’une unité parfaite. Malgré cela, Masashi (Kazunari Ninomiya) n'est pas constamment le plus assidu, il marche, il rampe, il est en décalage avec son monde, notamment lorsqu’il est fasciné par la balade nocturne d’une tortue. Il est souvent en plongée sur ce qui l’anime intérieurement, mais malheureusement, il est lui-même en contre-plongée de sa vie, qu’il ne tient plus forcément du bout d’un appareil photo.
Il dégage ce sentiment d’insatisfaction constant, à un degré qu’il ne comprend pas toujours. Quelques fois, c’est un trop-plein de vide qui le perturbe, lui qui dans sa jeunesse valorisait le meilleur de l’instant présent, ainsi que le meilleur d’un instant fantastique. Tout est possible par le biais de la photo et Masashi rend sa famille une vocation perdue, en plus d’un album familial à succès. Mais quand un rêve aussi merveilleux soit-il s’écroule devant un déchaînement de la nature, comment remonter la pente tout en se challengeant pour des familles dont il ignore tout ? Il revient ainsi à une étude en miroir sur l’héritage des Asada, à commencer par son humanité, qui déborde du cadre et dont la passion pour les photos de famille devient une tradition des plus touchantes. Nakano nous attrape ainsi par le sentiment feel-good, qu’il capte à travers deux appareils, le sien et celui de son héros, mais tous les deux se répondent et mettent en lumière cette sérénité, qui règne entre le sujet et le déclencheur.
Autant affirmer que « La Famille Asada » travaille sa composition comme l’argument principal de toute cette adaptation. Cela passe par des relations parfois houleuses avec un frangin terre-à-terre ou par la cohabitation exclusive avec la femme de sa vie (Haru Kuroki). Masashi renverse continuellement les tendances, au fur et à mesure qu’il prend de l’âge et qu’il cherche à s’appliquer dans le prochain cliché familial qu’il rendra éternel. Dans cette même démarche, il se forge une voie, celle de la reconstitution, l’étape qui le ramène évidemment à la création, mais avec le recul nécessaire pour ne négliger aucun point de vue.