https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/01/25/tu-choisiras-la-vie-critique/
Pour cette première réalisation, l’acteur très populaire, Stéphane Freiss propose ici avec une très belle audace et un incontestable talent Tu choisiras la vie qu’il aura mis 10 ans à écrire, ce qui n’est guère étonnant au regard de la qualité et l’exigence de l’œuvre. Indéniablement un réalisateur est né.
Il existe entre Esther et Elio comme une réciproque fascination, des fêlures qui ne demandent qu’à se croiser. Elle, écrasée par un carcan religieux, aspirant à la simple liberté de vivre. Lui, dans un empêchement plus mystérieux et nuancé entre son impossibilité à se "désancrer" de ses terres ancestrales et une précédente existence délaissée. « Elle, c’est le ciel, et lui c’est la terre« , dit le cinéaste.
Sauf que quand ces deux-là sont ensemble, le magnétisme est total. Tu choisiras la vie est un film absolu de rencontre et profondément bouleversant dans son intelligence, notamment d’atmosphère. Son chabbat à elle, c’est nos empêchements à nous tous, la religion, les codes sociaux et moraux, le cadre, ce qui se fait, ne se fait pas. C’est nous face à la vie. C’est nos envies, nos rêves face aux conventions, aux interdits, aux entraves. En cet endroit, Tu choisiras la vie, c’est l’universel. Ils s’épient et s’espionnent, ils se livrent et s’ouvrent, ils se découvrent…
La mise en scène est aussi une forme de petit bijou. Au-delà de capter la force inouïe insatiable des propositions de son ange Lou De Laâge, Stéphane Freiss nous invite à une pureté dans l’esthétisme aussi bien en intérieur que dans les décors naturels ensoleillés du sud de l’Italie, la Calabre, les Pouilles. C’est une oscillation, une variation entre pudeur et chaleur. Avec la récolte jamais très loin, la photographie et les décors respirent le vrai, l’élégance, la rareté de l’écorce du cédrat. La caméra de Stéphane Freiss sonde les corps, les âmes, le vent, les arbres avec la même force, l’identique souci du détail qui nous attache toujours plus à cette histoire poignante. Il existe dans Tu choisiras la vie comme une musicalité presque impalpable, mais qui nous ramène à l’essentiel.
Lou de Laâge… Comme dans ses récentes apparitions, ne déroge ici pas à la règle. Elle pourrait bien être l’actrice la plus marquante et indispensable de cette année. Tant elle sait hypnotiser la caméra, le spectateur, son partenaire, son réalisateur. Elle est infiniment sensible, dans une authentique émotion, qu’elle va fatalement chercher au plus profond. Son lâcher-prise semble permanent. Ce jeu est une caresse. Ce n’est plus une incarnation ou une performance, c’est une façon d’être. Elle ne prend pas la lumière, elle est la lumière.
Le duo, leur fonctionnement est à couper le cœur en rondelles. Il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous… L’électricité amoureuse est partout quand tout deux sont dans le champ, les regards sont pénétrants, brulants, la sensualité totale. « Être différent, c’est peut-être avoir le courage d’être soi-même » disait Albert Camus, résume cette lutte permanente et pourrait être la devise de ce qui est pour votre serviteur le premier chef-d’œuvre cinématographique de l’année.