Sur les chemins noirs est une adaptation du roman autobiographique du même nom de Sylvain Tesson, publié en 2016. Denis Imbert a travaillé sur le scénario avec Diastème. Ce dernier s'est occupé de tout ce qui était littéraire. Le réalisateur détaille : "il [a amené] le squelette et moi la chair. J’ai ainsi apporté tous les flashbacks, toutes les histoires, la psyché du personnage, que j’ai pu me raconter autour du récit et qui sont venus nourrir la marche."
"Il existe toujours entre deux films une période de jachère, de transition, qui est assez inconfortable. Une espèce d’errance totale, faite de doutes et de réflexions, il faut apprendre à l’accepter", explique Denis Imbert. C’est au cours d’une de ces périodes qu'il a découvert Sur les Chemins Noirs, le roman de Sylvain Tesson, un auteur dont il a lu toutes les oeuvres : "À la lecture des Chemins Noirs, j’ai eu l’impression que Sylvain avait touché terre, qu’il était redevenu mortel". Le projet du film est né à la sortie du confinement, à un moment où le réalisateur cherchait à se reconnecter avec la nature.
Denis Imbert souligne que Sur les chemins noirs n'est pas l’histoire d’une résilience : "C’est un état, un interstice, un temps arrêté d’un homme qui traverse un pays. C’est un livre et donc un film sur la réparation. Moi qui adore la nature au sens cinématographique du terme, je ne voulais surtout pas faire de carte postale. Il était interdit de filmer un guide touristique pour la France ou l’Office du Tourisme du Larzac." Il a abordé la nature comme une matière, en faisant en sorte que le personnage disparaisse dans le paysage.
Le film dévoile peu de choses de son protagoniste, que l'on apprend à connaître davantage à travers les rencontres qu'il fait que grâce à des révélations explicites. Denis Imbert revient sur ce choix du non-dit pour caractériser son personnage principal : "Ce que j’aime dans le film, c’est qu’à la fin on reste avec une part de mystère. Il y a des choses qu’on ne saura pas, qu’il ne nous aura pas confiées comme l’accident ou l’alcoolisme.[...] Je trouve ça agréable de faire l’épure d’un personnage qui ne demande pas pardon. Qui n’est pas politiquement correct sans pour autant être outrancier. Il n’est pas infréquentable au sens strict du terme mais il est entier, humain tout simplement."
Denis Imbert tenait à cadrer lui-même le film, en collaboration avec la cheffe opératrice Magali Silvestre de Sacy : "sur un film comme ça, si l’on n’est pas proche avec la caméra de son acteur, il y a des choses que l’on ne peut pas lui dire, lui insuffler. On tourne à 360 degrés en permanence, on filme le personnage le long d’un vallon jusqu’à ce qu’il en disparaisse, on part du principe que tous les plans sont montables, donc il était impossible de ne pas être au cadre [...]." Il a fait le choix de ne tourner qu'avec une seule caméra, le contraignant à très peu découper et à faire durer le plus longtemps possible les plans. Il détaille : "c’était cela le film : poser une caméra, être avec son personnage qui est au coin d’un feu, il va sortir un livre, il va lire, le poser, fumer un cigare, remettre du bois... Et c’était vraiment cette longueur que je recherchais, elle permet à l’acteur d’abandonner ses réflexes d’interprétations, pour laisser l’inconscient agir. Toujours aller chercher cela."
Le film a été tourné aux mêmes dates que le périple de Sylvain Tesson, de début septembre à novembre. Le réalisateur révèle : "J’espérais débuter avec les chaleurs de la fin de l’été et que petit à petit il serait rattrapé par le vent et le givre. Et évidemment on a eu un automne très doux à 12 degrés (rires). Mais heureusement on a eu de la pluie et du froid. Tout le pari du film était qu’il soit au début du film écrasé par la chaleur. Qu’il transpire. Et bien évidemment on a eu de la flotte (rires)." Le personnage devant accomplir chaque jour un itinéraire, il était impossible pour l'équipe de revenir en arrière ou de rester plusieurs jours au même endroit.
Le film a recours à une voix-off. Un pari risqué mais incontournable pour Denis Imbert : "à l’écriture, c’était pour moi une façon de nourrir Jean. C’est quand même un personnage qui est en train d’écrire un livre. Et il était important qu’il y ait cette pensée intérieure. Sans en faire une caricature. Il y a donc beaucoup de choses sorties par mes soins du livre, que nous avons écrites avec Diastème et que nous avons replacées dans le scénario." Ces pensées ont été préenregistrées et diffusées à Jean Dujardin durant le tournage par une oreillette, puis tout a été retravaillé au montage.
Jean Dujardin n'a jamais cherché à imiter Sylvain Tesson. Au début du tournage, l'acteur a eu une discussion avec l'écrivain : "il m’a demandé pourquoi je ne prenais pas un carnet pour y écrire mes sensations et mes émotions jour après jour. Je lui ai dit que pour moi, ça c’était son travail. Ses carnets sont ses enfants, son travail d’écrivain. Il est le héros de ses récits. Moi je suis un acteur. Je dois être disponible pour des histoires. Si je marque trop, si j’écris trop, je n’aurai plus la place pour toutes les histoires dans l’histoire." Son travail d'acteur a consisté à se délester pour atteindre une forme d'épure.