L’argent ou le pouvoir… ou bien ?
A part Complices en 2010, le suisse Frédéric Mermoud a réalisé le gros de sa carrière dans des séries TV de qualité comme Engrenages ou Les revenants. Ici, il a écrit et filmé un drame d’une rare tension qui nous longe durant 107 minutes dans l’enfer des classes Prépa. Sophie est une lycéenne brillante. Encouragée par son professeur de mathématiques, elle quitte la ferme familiale pour suivre une classe préparatoire scientifique. Au fil de rencontres, de succès et d’échecs, face à une compétition acharnée, Sophie réalise que son rêve, intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours... un vrai défi d’ascension sociale. Un film qui dissèque avec habileté ce moment clé où l’on de vient acteur de sa vie et où doit faire des choix. Mais, ça ne s’arrête pas là, car bien d’autres thématiques sont abordées comme le malaise du monde rural, le choc des classes sociales, le parcours initiatique d’une jeune fille douée mais en proie au doute, et en toile de fond la crise des « gilets jaunes ». Comme vous le voyez, beaucoup de choses, mais subtilement imbriquées dans un récit haletant, nerveux et réaliste. Une excellente surprise !
On sent que Mermoud s’est parfaitement documenté – parfois même de l’intérieur -, sur les arcanes de ces fameuses classes Prépa qui font rêver, fantasmer ou cauchemarder beaucoup de lycéens – ennes -, à l’heure des choix. C’est d’ailleurs un jeune doctorant de Normal Sup qui a été le garant de tous les exercices, en vérifiant les équations écrites au tableau et surtout en aidant les acteurs à s’approprier ce langage totalement inconnu pour eux… comme du spectateur. Autre force de ce récit est de ne pas faire de la jeune héroïne, une victime, car elle se révèle romantique et réaliste à la fois, mais qui a les ressources pour se battre. On finit par se passionner pour ces « khôlles » en trinôme, de maths et physique qui se révèlent aussi difficiles à résoudre que ceux de la vie quotidienne des aspirants à cette fameuse voie royale qui mène aux plus grandes écoles. Mais, et c’est là, où le film prend un tour encore plus crucial : que vaut un enseignement aussi élitiste dans le monde d’aujourd’hui ? Entrer à l’X, est-ce pour l’argent ou pour le pouvoir ? Y a-t-il une d’autres aspirations plus nobles ? Ce film se grade bien de répondre à ces questions mais a le mérite de les poser.
En petit taureau têtu à la l’énergie folle, Suzanne Jouannet, - déjà remarquée en 2021, dans Les Choses humaines - qui ne quitte pas l’écran, est tout simplement remarquable. Elle est fort bien entourée par Maud Wyler, Marilyne Canto, Antoine Chappey, Lorenzo Lefebvre et Alexandre Desrousseaux, et tout un casting digne de tous les éloges. MathSup, MathSpé , ton univers sans foi ni loi, cadre idéal pour un parcours initiatique dans son élitisme destructeur, et une réflexion juste sur la marche forcenée vers le pouvoir, le dépassement de soi et la perte des illusions. Troublant et édifiant.