Romain Quirot n’a pas manqué son décollage avec Le Dernier Voyage, une odyssée chaleureusement pop sur l’héritage d’un père à son fils, ou encore sur nos responsabilités envers une planète qui n’est plus aussi bleue qu’autrefois. L’audace de la science-fiction a payé, mais qu’en est-il de ce nouveau virage, tout aussi attrayant ? Le film de gangsters est à l’honneur, avec une grosse pensée aux classiques de Scorsese, ainsi qu’aux westerns de Sergio Leone. Dans le Paris de la Belle Époque, le cinéaste use de tous les artéfacts qu’il possède, quitte à consciencieusement placer l’anachronisme au cœur de son mélange détonant. Cependant, cet atout impose rapidement des limites, qui donnent l’impression de ne jamais sortir d’un refrain.
L’intention est là, une envie de cinéma également, mais peut-être que Quirot est trop soucieux des contours de son scalp, à coups de stylisation pop, qu’il en oublie l’essentiel. Malheureusement, cette manœuvre n’est pas ponctuelle et couvre la quasi-totalité du récit, par conséquent en défaut de dramaturgie. Seul subsiste cet héritage américain, auquel le gang des Apaches s’identifie, comme un phénomène à contre-courant de la société, qui s’industrialise davantage, creusant ainsi un écart radical entre les différentes classes. De même, le cinématographe donne le premier pouls au cinéma, un art un peu moins forain, mais toujours aussi immersif. Ce ne sera pourtant pas le sujet, mais bien une toile de fond qui aurait dû mieux servir la quête vengeresse de Billie (Alice Isaaz), souhaitant prendre une vie contre celle de son frère aîné. Rejoindre les Apaches la rapproche évidemment de sa cible, quand bien même la donne semble avoir changé avec le temps.
La bande n'est plus, si ce n'est le miroir des enfants perdus que l'on a déjà rencontré au pays imaginaire de Steven Spielberg. Jésus (Niels Schneider) mène son groupe comme un grand frère capricieux, ne sachant pas encore comment exister dans un monde qui s'embourgeoise autour de lui et qui rejette sa non-conformité. À ce jeu-là, l'intrigue paresse énormément, sans que l'on prenne le temps ou le tact d'introduire les personnages dans un environnement crasseux et hostile. Et pour achever le tout, une voix-off ne cesse d’alourdir tout désir de surpasser la fascination de l'époque, trop démonstrative pour que l’on croit aux histoires de ces brigands violents. Les pensées de Billie sont donc loin d'amener cette ambiguïté sentimentale, qui manque cruellement, rendant alors le dénouement grotesque, tandis qu'il prévoyait une émouvante rédemption.
Un prêtre (Bruno Lochet) qui enchaîne les confessions comme les bouteilles de vin à sa portée, un Ours (Artus) fatigué cherche à hiberner pour de bon et le gringalet Polly (Rod Paradot) reste enfermé dans l'adolescence, puis du côté des illusions lorsque qu'il s'estime assez mûr. Ces idées ne suffisent plus à transposer cette pulsion de cinéaste, que le compositeur Yves Gourmeur bonifie, uniquement dans le court terme, d'un montage clip à l'autre, sans vraiment interroger la destinée autodestructrice des Apaches, là où Everything Everywhere All At Once ou Blood Machines ne se sont jamais vraiment éparpillés, malgré un style pop qui transpire abondamment dans les plans. Ici, ce détail ne fera pas le triomphe du film, qui échoue pleinement dans le divertissement qu'il propose.