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Caine78
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4,0
Publiée le 12 mai 2015
C'est vrai que Martin Ritt n'était peut-être pas le meilleur choix pour la réalisation, celle-ci restant très classique, pour ne pas dire un peu fade. Mais j'ai presque envie de dire qu'importe. Oui, car le travail appliqué de celui-ci suffit tant le film peut s'appuyer sur deux points essentiels : son sujet et son scénario. Le maccarthysme a été effectivement traité extrêmement rarement au cinéma, ce qui justifie presque à lui seul son visionnage. Seulement, s'il est fréquent que d'excellents thèmes déçoivent dans leur traitement, il n'en est rien ici, l'histoire s'avérant aussi riche que passionnante, que ce soit à travers son évolution, ses dialogues et surtout ses personnages : subtils, complexes et excellemment joués, à l'image de Woody Allen et Zero Mostel, remarquables. Bref, si « Le Prête-nom » n'est pas le chef-d'œuvre qu'il aurait sans doute pu être, il n'en reste pas moins souvent saisissant, instructif et émouvant : une belle réussite.
Alors qu'en 2016 avec "Avé César!", les frères Coen ont choisi de traiter par la dérision la plaie jamais complètement refermée de la triste période de "la chasse aux sorcières", revoir "Le prête-nom" de Martin Ritt est une bonne occasion de se rappeler qu'un autre réalisateur, aujourd'hui un peu oublié et sous-estimé par la critique française, avait lui aussi, en 1976, choisi de traiter par le biais du sourire le sujet, et ce, au moment même où la sinistre HCUA ( House Commitee on Un-American Activities) venait juste d'être dissoute . Les films traitant ouvertement du maccarthysme ne sont d'ailleurs pas légion et depuis Irvin Winkler avec son très académique et pesant "La loi de la nuit" en 1992, personne n'a réellement abordé le sujet de front. Il faut en premier lieu rappeler que Martin Ritt était un homme aux idées progressistes clairement orientées à gauche, lui-même blacklisté et profondément bouleversé par l'histoire d'Elia Kazan, son ami, entraîné par la commission dans une honteuse et douloureuse délation qui poursuivra le réalisateur de "Sur les quais" durant le restant de sa vie. Même l'Oscar d'honneur qui lui sera remis en 1999 comme une sorte d'appel à la réconciliation de la profession avec un homme au crépuscule de son existence sera contesté, Kazan n'ayant jamais fait complètement acte de rédemption. C'est donc sans surprise que Ritt saisit la première occasion de traiter le sujet qui lui sera offerte par un studio, en l'occurrence la Columbia. C'est entouré d'autres victimes de cette époque comme le scénariste Walter Bernstein ou les acteurs Zero Mostel Herschel Bernardi, Lloyd Gough et Joshua Shelley, qu'il se met au travail. Après avoir envisagé Dustin Hoffman ou Robert Redford dans le rôle du prête-nom, le choix se porte finalement sur Woody Allen d'abord réticent car à la veille de réaliser son premier chef d'œuvre "Annie Hall" (1977 et n'envisageant plus de jouer autrement que sous sa propre direction. La force du sujet mais aussi la manière dont Ritt entend utiliser son personnage finissent de le convaincre. A la vision du film certains ont reproché à Ritt d'avoir laisser un peu trop la bride sur le cou au trublion comique. En réalité par sa seule présence dont il sait moduler la densité selon les scènes, Woody Allen insuffle au film une tonalité oscillant entre le drolatique et le tragique qui éclaire tout à fait le ridicule de la situation et surtout sa parfaite hypocrisie sans jamais laisser de côté ses conséquences néfastes sur la carrière d'une certaine partie des gens du spectacle. A ce sujet, à travers spoiler: le suicide d'un acteur sur le retour joué par Zero Mostel que la commission tente de faire passer du côté des délateurs , Martin Ritt contribue à désacraliser quelque peu la fameuse liste des "dix de Hollywood" constituée exclusivement de scénaristes et dont le film montre clairement que sous des noms d'emprunt ils ont pu continuer à travailler sans que les patrons des studios ne soient réellement dupes. Mais par dessus tout ce que Ritt met parfaitement en lumière à travers le personnage de Delaney (Lloyd Gough) fonctionnaire zélé en charge de présélectionner les candidats potentiels à l'audition devant l'HCUA, c'est la capacité de certains à s'emparer d'une cause pour exercer l'abus de pouvoir sans vergogne. Phénomène sur lequel s'appuient largement toutes les dictatures appliqué ici à une démocratie. Il montre aussi grâce à la réaction finale de Howard Prince (Woody Allen), le prête-nom jusqu'alors assez peu regardant sur les moyens de sortir de sa condition que la capacité de dire non aux injonctions peut venir de celui qu'on attendait le moins. En somme selon Ritt en ces périodes troubles rien n'est écrit et la charge de son film même teintée d'humour rappelle que c'est bien aux hommes de pouvoir qu'il revient de faire en sorte que de tels climats propres à réveiller les pires instincts ne puissent s'installer. Comme on dit familièrement : "Ritt n'oublie pas de remettre l'église au centre du village". A côtés des mérites du réalisateur et de son scénariste, il faut saluer la partition très impliquée et profondément touchante de Zero Mostel dont le personnage de Hecky Brown est lointainement basé sur celui de Philip Loeb, spoiler: son ami qui se suicida en 1955 suite à l’intolérable pression subie pendant cette période sombre de l'histoire des Etats-Unis . On notera enfin les présences de Michael Murphy l'acteur fétiche de Robert Altman , celle d'Andrea Marcovicci délicieuse actrice trop rare et celle dans un petit rôle de Danny Aiello futur solide second rôle chez Spike Lee, Woody Allen ou Harold Becker. Tous ces ingrédients réunis ajoutés à la sincérité jamais démentie de Martin Ritt font du "Prête-nom" le film sans doute le plus lucide sur la monstruosité d'une démarche utilisant quasiment les mêmes méthodes que celles qu'elle dénonce pour se justifier.
Traité du « maccarthysme » pour sujet principal, le défis était risqué et osé, surtout quand l’acteur principal en fut lui aussi victime au début de sa carrière. (Le « maccarthysme » était une procédure consistant à traquer d'éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux Etats-Unis, de 1947 à 1953). Avec Le Prête-Nom (1976), Martin Ritt offre un rôle important à Woody Allen, celui du prête-nom (une personne qui accepte de se faire passer pour quelqu’un d’autre, lorsqu’une personne figure sur la black list). Ainsi, Howard Prince, caissier dans un restaurant se voit solliciter de l’aide par un ami écrivain, afin qu’il lui serve de prête-nom (afin qu’il puisse publier ses ouvrages sous son nom, ce qui lui permet de ne pas être au chômage et de pouvoir exercer son métier en toute discrétion malgré les menaces qui pèse sur lui). Ritt en profite pour y réaliser un drame palpitant (et révoltant). Pour la petite anecdote, le scénario fut écrit par cinq scénaristes, tous figurants à l’époque sur la fameuse black list !
Film à peu près inconnu en France, « The Front » aborde la question des effets du Mac-Carthysme dans le milieu de la télévision. Ecrit, réalisé et interprété par d'anciens blacklistés, il met en scène un américain lambda (caissier, vaguement bookmaker à ses heures, pas très cultivé, sans grande conscience politique) se transformant en héraut/héros de la liberté de penser. Le personnage est intéressant sur le papier mais peine à exister totalement à l'écran, la faute à une erreur de casting : Woody Allen a beau faire profil bas pour un de ses rares rôles dramatiques, son corps, son allure et sa voix ne correspondent pas à l'Américain moyen qu'on s'imagine en prête-nom.
Les personnages des scénaristes sont eux aussi un peu bâclés, et il y a avait pourtant un potentiel pour leur histoire d'hommes obligés d'écrire dans l'ombre et de ne recevoir aucun crédit pour leur travail. Quant à l'acteur incarné par Zero Mostel, c'est le seul à rendre véritablement l'injustice de la liste noire. « Le Prête-Nom » est certes un témoignage intéressant (et de première main) sur une époque peu glorieuse de l'Histoire des Etats-Unis, mais semble tuer dans l'oeuf tout enjeu narratif digne de ce nom pour s'égarer dans des sous-intrigues inutiles (l'amourette entre Allen et la directrice de production). Dramatique mais manquant de puissance, flirtant parfois avec la comédie mais avec tellement de précautions que cela manque terriblement de naturel (une satire aurait d'ailleurs peut-être été plus efficace), « Le Prête-Nom » est un film nécessaire mais globalement raté, assez lent et souvent ennuyeux. Les bonnes intentions ne remplaceront jamais les bonnes idées.
Pour aborder la problématique du mccarthysme, que diriez-vous d'un regard décalé et ironique, en plus d'une plongée crédible dans le milieu télévisuel de l'époque? Cette prise de recul par rapport au sujet est réjouissante, et permet de démontrer de manière tout aussi efficace les dérives de ce système.
Le personnage du prête-nom est une idée originale et très bien exploitée, avec les rebondissements comiques de l'imposteur ayant du mal à jouer son rôle, et avec les troubles identitaires que cela entraine. Woody Allen s'en donne à coeur joie, et les personnages secondaires sont tous très attachants aussi.
La dernière partie est un peu plus conventionnelle, j'ai vu venir de loin l'évolution du personnage. Mais la qualité des dialogues et de l'interprétation fait passer la sauce sans trop de problèmes.
En un mot, c'est un film à découvrir pour ses qualités de témoignage, d'ironie, et le questionnement universel qui peut en ressortir : qu'aurions-nous fait à la place des personnages?
Bon film de Martin Ritt, qui reprend ici le thème du maccarthysme dans le monde du cinéma et des scénaristes. Le scénario est très limpide, le récit se déroule agréablement, la romance du héros n'était pas vraiment indispensable. Les dialogues sont parfois brillants, mais la confrontation avec le comité est très décevant, et aurait pu être plus percutant. Néanmoins, cela est très "regardable", même Woody Allen semble à l'aise dans son rôle.
C’est un film qui dénonce, mais sans les grands sabots de la propagande. Surtout qu’il s’agit de l’époque du maccarthysme quand les artistes communistes étaient priés d’aller voir ailleurs. Un temps révolu, mais le fond du problème (délation, trahison, suspicion et liberté de pensée) doit toujours nous tenir en éveil. C’est ce que dit avec finesse, humour et fermeté Martin Ritt , bien secondé par une écriture merveilleuse, des dialogues à se relever la nuit : Woody Allen aurait pu en être l’auteur. Ici, il se contente d’interpréter fort bien le personnage du prête-nom avec une affiche confortable. Plusieurs scènes devraient figurer dans une anthologie du cinéma américain. Le restaurant avec sa petite amie, celle des camps de concentration spoiler: qu’il faut réécrire car le sponsor est une société de gaz, et à la fin quand le héros se retrouve devant un tribunal politique. C’est grandiose… Pour en savoir plus
Film fait par d'anciennes victimes de la liste noire (réalisateur, scénariste, acteur). Il retranscrit à merveille l'atmosphère étouffante de l'époque à Hollywood et les rouages du maccarthysme qui reposent sur le chantage et l'intimidation. Le film n'assène pas son message avec lourdeur mais use au contraire de la comédie. Dans un des rares rôles qu'il ne s'est pas taillé sur mesure, Allen est très bien.
Étonnant que ce film, courageux et remarquable, soit passé presque totalement inaperçu. La direction d'acteur est excellente, le sujet passionnant... Le seul point négatif me semble $être le choix de Woody Allen dans le rôle principal, dans lequel il n'est pas toujours convaincant.