Après de nombreux documentaires, dont J'veux du soleil et Debout les femmes ! co-réalisés avec François Ruffin, Gilles Perret s'essaie pour la première fois à la fiction avec Reprise en main. Un passage qui s'est effectué naturellement pour lui, d'autant plus que la fiction permettait de ne pas mettre en danger des travailleurs vis-à-vis de leurs clients ou leurs patrons. "C’est un des avantages de la fiction : ça ouvre du possible et ça donne de la liberté. Dans ce cas précis, la fiction pouvait aussi porter un discours optimiste. Alors qu’un documentaire sur les impacts de la finance dans les entreprises, on se serait surtout rapproché du drame (rires) ..."
Se confronter à une équipe de tournage alors qu'il était habitué à tourner en équipe réduite était impressionnant pour Gilles Perret. "Et puis, j’ai immergé toute l’équipe dans mon milieu, chez moi, dans la vallée de l’Arve. Ils étaient impressionnés par le décor naturel, les montagnes, les usines et moi par leur présence, leurs expériences, ça équilibrait les choses." De plus, raconter une histoire familière, celle de ses proches et la sienne, l'a rassuré : "Le fait d’avoir travaillé au tout début de ma vie professionnelle dans l’usine que l’on voit dans le film (c’est l’usine d’un copain, j’y ai installé des machines, j’ai un diplôme d’ingénieur à la base) ça m’a permis de me sentir à ma place sur le plateau."
Reprise en main évoque le cas d'une usine de décolletage, une technique d'usinage consistant à donner une forme précise à une pièce par enlèvement de matière. Le réalisateur, à l'instar de ses parents, a travaillé dans une de ces usines. "J’ai toujours voulu raconter le monde à travers des particularismes locaux. Et je crois que je ne serais pas capable d’écrire un scénario de fiction sans connaître le lieu, les gens ou la problématique concernés. Il me faut du réel et un attachement personnel pour raconter des histoires."
La montagne est un décor à part entière dans le film. Gilles Perret pratique lui-même l'escalade et s'est inspiré d'un ouvrier décolleteur qu'il connaissait et qui partait escalader sans cordes après les journées de boulot, pour créer le personnage de Cédric. "C’est le lieu où peuvent encore se croiser des ouvriers et des patrons, sans apparat, sans barrière sociale, la montagne a le pouvoir de redistribuer les cartes."
Avec Reprise en main, Gilles Perret tient à montrer qu’il existe en France une industrie performante. Il estime que si l'industrie est condamnée dans le pays, c'est en raison de décisions politiques irresponsables : "Avec ce film, il s’agissait donc de montrer qu’on est capable de produire et de produire bien. La vallée de l’Arve est une vallée High-Tech avec des gens malins qui vendent des pièces à des constructeurs automobiles américains, chinois ou européens." Il souhaitait véhiculer la combativité joyeuse des films de Ken Loach : "il était important qu’une histoire sociale se termine bien, car de belles histoires peuvent exister lorsqu’on se rassemble. [...] Ce n’est pas par le désespoir qu’on donnera envie aux gens de se bouger."