Le réalisateur Gilles Perret propose, avec « Reprise en main », un long-métrage qui se veut engagé mais qui tente aussi de ne pas paraitre trop caricatural, que ce soit dans l’intrigue ou dans la construction des personnages. C’est sur cette ligne de crête que le film joue les funambules en permanence et pendant 1h50. En choisissant de camper son intrigue en Savoie, en faisant de son personnage principal un alpiniste aguerri (ce qui lui permet de proposer deux-trois scène d’escalade sacrément flippantes), il pose son intrigue dans un écrin forcément magnifique et qui parle à tout le monde : les plaines de la Beauce ça ne fait pas rêver, les sommets alpins, si ! On pourrait croire que c’est anecdotique de commencer par parler du décor mais je pense au contraire que ça compte pour beaucoup dans le côté « territoire les pieds sur terre dans la vraie vie contre la finance désincarnée ». A part ce parti-pris, le film est correctement réalisé, sans temps morts, sans scènes superflues, sans pathos et en s’offrant même quelques pointes d’humour et quelques pointes d’émotion contenues, notamment dans la relation pas évidente entre Cédric et son père, un retraité syndicaliste bien plus radical que son fils. La musique est sympathique, avec une même chanson qui ouvre le film dans un autoradio, est jouée en live au milieu du film et le clôture en générique de fin, comme une sorte de ponctuation. Comme la chanson est sympa, les paroles bien écrites, ça en fait un petit gimmick réussi. Au casting, on retrouve Pierre Deladonchamps, qu’on est davantage habitué à voir dans des rôles plus « bourgeois ». C’est un comédien de grand talent qui trouve ici un rôle différent dans lequel il s’est impliqué à fond. C’est la même chose pour l’épatant (et encore trop rare) Gregory Montel, qui apporte ne plus la petite pointe d’humour du film, en banquier célibataire et amoureux d’une belle blonde
parfaitement inaccessible
. La belle blonde, c’est la secrétaire de direction du l’entreprise, très bien campée par Laetitia Dosch. C’est peut-être elle qui a le rôle le plus fouillé,
tiraillé entre son ambition et ses parents visiblement très dépendants, tiraillée entre partir et rester, tiraillée entre la Direction et les ouvriers qu’elle a tous côtoyé au lycée et dont on lui demande de faire la liste pour le futur dégraissage.
Et puis, on peut rajouter des seconds rôles un tout petit peu sous-écrits, comme celui du père de Cédric (Rufus, toujours impeccable) ou Frédéric (Finnegan Oldfiel). Ce dernier a le rôle
le plus ambigu, à la fois sympathique et détestable, fragile (sur la montagne) et fort (quand il s’agit de parler de finance), pas facile de camper ce genre de personnage ambivalent
. Le scénario de « Reprise en main » réussi un petit tour de force : nous intéresser et nous rendre clair comme de l’eau minérale le monde des fonds d’investissement et de leur mode de fonctionnement. J’ai tout compris, je crois, et ce n’était pas gagné d’avance !Le scénario joue une partition classique, avec une longue (trop longue) introduction, une intrigue qui avance,
un coup dur de dernière minute où l’on croit que tout est fichu et un ultime rebondissement plein de morale.
Le canevas, tout efficace qu’il soit, est malheureusement usé jusqu’à la corde. Le film essaie, sans toujours y parvenir, de ne pas sombrer dans les poncifs et les phrases toutes faites sur le monde la Finances, qui est ici le grand méchant cynique et méprisant qui veut faire plein de fric sans se soucier ni de l’emploi, ni de la sécurisé. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas aller sur ce terrain, je dis juste qu’on aurait pu le faire encore plus subtilement, comme le fait Ken Loach en Grande Bretagne par exemple. Les affirmations péremptoires qui sonnent comme des slogans de manifs n’étaient pas un passage obligé. Néanmoins, ce petit bémol posé, « Reprise en Main, qui est sorti en salle dans un relatif anonymat, mérite malgré tout le déplacement. Le film est bien fait, très clair, jamais ennuyeux et sur ce sujet, c’était inespéré. La toute dernière image du film est presque frustrante car quand le film se termine, le plus difficile commence pour les « héros » de « Reprise en main ».