J'ai vu un film... sur un fait totalement ignoré (par moi) dans l'histoire de la construction de l'Etat d'Israël... C'est à dire l'arrivée massive des juifs orientaux expulsés dans le mépris et souvent par la violence de leurs pays d'origine (Yémen, Irak, Tunisie, Algérie, Maroc, etc)... pour arriver dans le pays du "Lait et du Miel" (ce qui est inscrit sur la brochure de l'office de... peuplement)... Et là, désillusion... Accueil en citoyens de seconde zone, mise sous tutelle par l'Etat, rapt d'enfants, humiliation sociale, études limitées pour créer un "sous-prolétariat" docile... Au-delà du sujet, ce qui touche dans ce document, c'est le traitement fait entre interviews, séances oniriques personnelles de dialogues passé-présent, de ici, là-bas, ailleurs, de survol de villes de peuplement à l'urbanisme déshumanisé, de la découverte d'un racisme ordinaire... Au regard de ce film, le modèle de la société "intégratrice" israélienne prend du plomb dans l'aile. D'ailleurs à bien y réfléchir, on y trouve le même type de comportements dans des Etats démocratiques (les Indiens au Canada ou aux Etats-Unis, les Aborigènes en Australie, les enfants réunionnais en France, les orphelinats Catholiques en Irlande du Nord, les ablations d'ovaires en Suède...). Je n'ose pas lister les actions similaires en URSS, en Chine, en Corée du Nord, en Birmanie...
Toujours est-il que ce documentaire touche du doigt de manière fine le malheur subi par ces émigrants qui étaient commerçants, artisans, professeurs, ingénieurs, ou simple ouvriers, mais, qui tous, ont été contraints de devenir maçons, garagistes, manœuvres... et d'habiter dans des villes de peuplement, avec un enjeu de répartir cette population nouvelle dans des zones encore disputées, en face de Gaza, dans des espaces à conquérir...
En filigrane, on voit aussi comment une société ne peut maintenir sous l'éteignoir une autre partie de la population dans un même pays. Et on découvre la révolte de ces juifs sépharades (Les Panthères Noires), assimilés à des arabes (autre parenthèse du film), qui ont provoqué une réaction méprisante de la classe politique ashkénaze de l'époque (Golda Meïr, pour ne pas la nommer)...
Maintenant, ce que l'on peut en dire aussi, c'est que cette manière de procéder a été l'apanage de tous les pays d'émigration... Un melting pot pour qu'à la fin tout le monde parle la même langue (l'Hébreu, langue morte, revitalisée), que même dans des univers sociaux parallèles, chacun puisse vivre dans la même société (quelle société n'a pas ses parois de verre ? ses cloisons ?)... Que la continuité territorial de ce jeune état soit assuré... Et au final, la guerre finit par souder les Hommes (La guerre des six-jours en 1967, la guerre de Kippour en 1973)...
Et aujourd'hui, qu'en est-il de ces revendications ? D'après le propos du film, cela est encore de circonstance dans les cités-dortoirs de la périphérie, il y a encore des plafonds de verre, des humiliations, du déni, du refus de l'excuse... Quel Etat s'excuse, en fait ?
La musique omniprésente est absolument formidable et certaines séquences sont très émouvantes... J'ai beaucoup aimé apprendre des choses que j'ignorais complètement, et j'ai aimé le traitement, tout en nuance, en pudeur et en émotion... Une très belle réalisation.