Michel Franco, c’est l’ambivalence d’une vie qui se dérègle soit sur le lieu de travail, soit dans la vie privée. « Daniel & Ana » évoquait déjà une montée des désirs, qui vont ensuite s’étouffer derrière une souffrance silencieuse dans « Después de Lucía ». La trahison sera plutôt pour « Les Filles d'Avril », mais ce sera étonnement sur son « Chronic », qu’il reviendra, notamment avec son comédien principal, en bout de course aux côtés de patients en phase terminale. Ici, on se concentrera sur l’homme en phase terminale, celui qui renonce à son identité, pour vivre ou peut-être survivre un peu plus longtemps. Un travail sur le non-dit viendra compléter le tableau, fait en ouverture, où l’on filme volontiers des poissons qui suffoquent, hors de l’eau, en attendant de cracher leur dernier souffle.
Rien n’est pourtant aussi métaphorique pas la suite, car le cinéaste reste avare en information. En échange, il espère convaincre son audience, en l’immergeant sous le bain de soleil d’Acapulco. Une famille assez aisée enchaîne les cocktails et les siestes dans une villa qui a tout pour rendre leurs vacances paradisiaques, mais un coup de fil les ramène à la réalité. Finis la vie en suspension, l’heure de prendre ses responsabilités est arrivée. Alice (Charlotte Gainsbourg) n’hésite pas à foncer avec ses enfants, tandis que Neil Benneth (Tim Roth) se fait plus discrets, d’un air largué et pourtant, il sait ce qu’il souhaite. Rester dans cette oasis plus longtemps, le temps de méditer sur quelque chose, une identité qu’il semble rebuté. Et en ne souhaitant pas être confronté au deuil, ce personnage nous apparaît rapidement comme mourant et dévitalisé.
Toute l’attention se porte sur le voyage, qu’il prolonge à coup de prétextes ridicules, mais qui le sensibilisera à de nouvelles rencontres, dont une séduisante vendeuse (Iazua Larios). La caméra de Franco se fige ainsi sur les plages, où l’on ne compte plus les cadavres de bières, entre une sieste et des assassinats chirurgicaux. La mort est un concept qui le suit et patiente afin de faucher ce Neil, qui a renoncé à tout ce qu’il possède contre le luxe de ne rien faire. Les émotions qu’il dégage son assez peu perceptible et le spectateur navigue ainsi dans un flou vicieux, dans l’attente d’un rebondissement qui viendra redistribuer les cartes. Il faudra patienter jusqu’au bout de l’intrigue pour que l’on touche à des arguments, qui justifient son errance morale. La lueur jaune au-dessus de nos têtes n’a alors plus rien d’aussi apaisant, car c’est n’est plus qu’une autre représentation des flammes de l’enfer et autre un purgatoire sur terre.
Ne nous y trompons pas, « Sundown » est loin d’être doté d’une poésie, à défaut d’une mélancolie signifiante. Reste à savoir comment Franco y a mis du sien, de ses souvenirs et de ses traumatismes dans un film qui ne banalise pas la violence. Ce monde haut en couleur cache pourtant le malheur, derrière la passivité et la fuite de Neil, qui ne cherche plus à comprendre quoi que ce soit. Il aspire simplement à faire le point sur son existence et quelque part, il continue de traîner ses bagages les plus imposants dans son esprit mutilé. L’exercice possède ses limites avec cet homme qui tourne en rond, dans les mêmes coins et adoube les quartiers populaires comme pour s’opposer à sa vie active, pleine de tensions et de désillusions.